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Channel: Le blog d'Abistodenas
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Alors que nous déblatérons autour du vin et de la bonne bouffe, certains se creusent la tronche pour nourrir le peuple à grands coups de pluralisme idéologique.

Alors que nous nous écharpons autour du naturel futile de tel ou tel flacon, certains laissent couler leur sang pour défendre la liberté d'opinion.

Alors que nous vivotons dans un quotidien imbibé des plaisirs de la bonne chère, certains luttent pour que la parole, la libre expression, sous toutes ses formes, puisse s'acoquiner non sans humour du meilleur comme du pire.

Alors que l'amour, alors que la haine...

Les petits plaisirs du quotidien ne peuvent avoir la saveur nécessaire que s'ils ne sont pas la parenthèse d'un quotidien liberticide...

J'avais 17 ans quand pour la première fois j'ai écrit à la rédaction de Charlie Hebdo pour partager avec maladresse quelques idéaux de vie et les remercier de m'aider à grandir avec le discernement et l'humour nécessaires pour plonger dans le grand bain du quotidien des adultes.

Aujourd'hui cette main lâchée il y a presque une quinzaine d'années semble prendre froid. En dilettante, je retourne parfois chercher un numéro, mais demain, je n'espère qu'une chose : pouvoir malgré tout continuer à le faire, au nom de la liberté d'expression.
David Farge "ABISTODENAS

Trinquons, buvons, éduquons...

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Quelques mots livrés à chaud, puis le silence, la réflexion et enfin l'espoir traînant dans son ombre les regrettables désillusions de demain. « Sait-on jamais ?! » se hasarde mon optimisme tout à coup chancelant. Oui, sait-on jamais... 

Et en attendant ?

En attendant, je reprends le chemin de mon école, avec l'impression forte que quelque chose de plus important que jamais se déroule chaque jour, derrière chaque pupitre baigné par l'odeur réconfortante des marqueurs à tableau, des livres plus tout à fait neufs ou, plus encore, de l'encre encore fraîche glissant tendrement entre les interlignes trop stricts des cahiers d'écolier. Mais aussi, que derrière ces événements, se tapit maladroitement la responsabilité d'une société qui n'a pas su quoi faire des canons silencieux de la culture et de l'éducation armant pourtant si puissamment l'école.
Je n'en parle pas souvent, mais mon quotidien se nourrit bien plus des sourires enfantins que des petits bonheurs liquides endimanchant les week-ends ou les soirs pleins d'embonpoint affectif. Le vin comme une pincée de sel, ou de poivre, venant agrémenter un peu le sérieux de ces journées en manque de futilités récréatives. Le vin, comme la lecture, la cuisine, la musique... Ces choses que l'on ne fait que quand on a le temps, mais dont on ignore finalement l'importance quasi essentielle : l'engraissage culturel des esprits débouche évidemment sur l'éveil des consciences. À force de prioriser le matériel, l'individualisme, de vivre son quotidien sur le simple versant infantilisant du tout affectif, on en oublie rapidement le sérieux et l'importance de choses aussi simples que la déconnade, l'impertinence ou la jouissance partagées.
Et derrière ces écrans de fumée où la pseudo-responsabilisation du bon peuple ne consiste en fait qu'à une sombre résolution visant à faire baisser les regards, la vraie vie, celles des jouisseurs d'instant, se doit pourtant de coexister : avec ces moments de frivolité, ces anecdotes du bonheur et toutes ces petites choses qui du haut de leur solennelle légèreté font aussi battre les cœurs. S'amouracher en Candide de tous ces petits plaisirs n'épargne pas les consciences, bien au contraire, cela permet tout au plus de les soulager un peu, et de fait, d'entretenir la critique, le discernement et l'irrévérence nécessaire à tout défenseur du pluralisme des idées.

C'est pourquoi nous avons trinqué à cette insoutenable légèreté de l'être. Cette légèreté que la lourdeur du quotidien voudrait museler. Oui, nous avons bu, laissant ces cadavres exquis se jouer de nos maux avant de venir sustenter de francs appétits adeptes de poésie liquide. 

Ici, un vif et pétulant champenois encore en couche-culotte : « Mais que cette fraîcheur de teint lui va bien !». Un Ulysse Collin hésitant entre floraison printanière et cueillette de fruits blancs bien juteux... Quel plaisir ! Tout comme son grand frère, venu fêter son changement de millénaire, après une grosse décennie de repos. Un Jacquesson arborant fièrement des saveurs automnales, appelant indubitablement la chair blanche d'une volaille, quelques noisettes ou une poêlée de champignons. Pluralisme des discours, pluralisme des plaisirs, richesse de la diversité nourrissant jusqu'au terroir de ces petits ravissements papillaires.



Là, une brochette de blancs-becs aux accents multiples trahissant l'éclectisme et la curiosité passionnelle que le vin peut inspirer... Souvent exubérants, ces trois ambassadeurs à l'aromatique bavarde, nous auront aussi fait voyager entre exotisme et lit d'épices douces. Une vrai belle virée...
Bref, ce soir là, les canons défilèrent en silence, mais pas sans animer la cohorte de bons vivants à leurs côtés. Une bien belle soirée, non pas une parenthèse, mais un vrai moment de vie, avant de repartir sur le front de l'éducation. La sémantique consensuelle de nos idéaux, verbiage d'enfonceurs de portes ouvertes le plus souvent, peut fatiguer. Vision de guimauve, quand au son des violons, ensemble se voit immanquablement corrompu par seul. Mais parfois les raisonnements les plus sommaires sont comme ces instants sublimant l'ordinaire de leur évidente simplicité. La générosité ou le partage, bien avant l'érudition, permettent de mettre un pied dans cette bonhomie humaniste, imbibée de savoir et de liberté, dont se nourrissent les cœurs et les esprits. Le reste, c'est le quotidien, la confiance et le temps qui s'en chargeront...

Alors en attendant, continuons de trinquer, de boire et d'éduquer.

Le nouveau sextoy des buveurs homéopathes.

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L'an dernier je vous parlais d'un principe haut combien rationnel pour juger de la qualité d'une bouteille ouverte : le principe de la bouteille vide. Mais les homéopathes de la dégustation, goûtant parfois du bout des lèvres afin d'épuiser des listings entiers d'un échantillonnage à valeur de cobayes de laboratoire ont aussi leurs stratégies comparatives pour statuer sur la valeur de tel ou tel breuvage.

Il n'y a encore pas si longtemps de ça, je vous aurais bien dit qu'entre les deux mon cœur balance. Mais depuis un certain temps, il est de plus en plus rare que les canons s'enchaînent comme une rafale de cacahuètes à l'heure de l'apéro. À défaut de déguster, il me reste le simple plaisir de boire... Vous savez, ce moment de partage et d'échange où l'analyse est remise à plus tard, où les flacons se parent aussi de l'humeur du moment, ces longues heures où le crissement du crayon prenant des notes laisse place aux rires et aux éclats de voix parasitant tout semblant d'analyse objective. 

Et alors ?
Résolution insoupçonnée de ce début d'année ou simple expérience sur le chemin de nos pérégrinations liquides ? Toujours est-il qu'il y a quelques temps de ça, v'là t'y pas qu'une idée saugrenue est venue titiller le cortex cérébral de notre hôte du jour. Chamboulé par des velléités d'ouvertures intempestives, il voulait baigner d'un flot d'affection liquide, une assemblée tout à coup sensible au risque de noyade. 

Peur de ne pouvoir étancher tout le stock prévu pour l'occasion, ou simple prise de conscience de notre décadence à venir, toujours est-il que j'ai alors fait la connaissance de Mister Coravin, dans le rôle du brassard pour apprenti nageur...

Espèce de kit chirurgical pour péridurale, mais dans sa version dédiée au vin, Coravin est censé permettre la déraison du nombre pour nourrir la curiosité des adeptes de la Dive bouteille. Une aiguille venant plonger dans l'intimité d'un bouchon de liège pour en déloger quelques centilitres, vite remplacés par quelques bouffées d'argon, voilà le principe.
L'idée est louable, certes. Mais pour le buveur d'histoire que je suis, difficile de me voir couper l'herbe sous le pied. Déjà tout petit, à l'heure du marchand de sable, je n'aimais pas que les aventures qui m'étaient contées au bord du lit prennent fin sur ma table de nuit, le destin de leur héros suspendu à quelques tours de cadran supplémentaires.

Et puis ce vin, limité dans son propos, aurait sûrement aimé ne pas avoir à s'arrêter au préambule de son récit d'un soir. Surtout que cette extraction forcée n'est à mon humble avis en rien une parenthèse dans le temps compté du flacon ainsi ponctionné. En effet, n'étant pas adepte des démarches zététiques en tous genres, je ne m'avancerai pas sur la capacité donnée à l'argon de permettre au vin de continuer à évoluer, comme si de rien n'était, car mon expérience ne corrobore pas les affirmations de la marque... Désolé. Au mieux l'argon semble bloquer l'évolution, au pire un peu d'air se joint à la fête et le compte à rebours de l'évier s'en trouve lancé pour la bouteille innocente ayant fait don d'une part de son message. Dernière en date, une bouteille de Cornas de Matthieu Barret ouverte quelques trois semaines auparavant, était en train d'écrire ses mémoires quand elle fut débouchée pour de bon, après, pourtant, une splendide parade initiale. 

Et devinez comment les autres bouteilles entamées ont fini ? Dans les bras des invités d'un soir, pour une ouverture programmée dans les jours qui suivirent. On ne s'improvise pas rat de laboratoire quand on est un épicurien dans l'âme. Déjà que mon quotidien de prof, une fois le cartable ouvert, me mène à évaluer, juger, synthétiser, expliciter, reformuler, diagnostiquer, remédier... vous excuserez se relent passager d'égocentrisme mal placé, mais je n'ai aucune envie de jouer les analystes peine-à-jouir, une fois le verre plein et le capuchon du bic refermé. 

La curiosité n'est point un vilain défaut, je vous l'accorde, mais la frilosité n'en est elle pas un quand il s'agit de laisser un bijou se perdre entre deux eaux ? Boire ou ne pas boire ? Attendre ou ne pas attendre ? Pendant que certains jouent entre les lignes, je garde le cap et assume : le vin ne vit pas pour se faire chaparder, mais bien pour s'épandre de tout son corps dans les limbes d'une ivresse débonnaire.

Le prix de l'impatience et de la curiosité ? 300 euros (plus le coût des cartouches)... Alors si je peux comprendre le désir de se voir petite souris l'instant d'un carottage, désolé, mais pour le coup, personnellement, je passe mon tour */**.

* Sinon, vous avez toujours la possibilité de tenter la version DIY. Un kit de péridurale, un peu de jugeote et vous voilà un parfait petit laborantin... 

** Vous aurez bien compris qu'il s'agit là de l'avis subjectif d'un amateur... Et, il se pourrait bien que cette machinerie sans charme puisse tout de même avoir son utilité dans le quotidien de quelques professionnels. Si vous avez votre avis, n'hésitez pas à le partager. Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez. 

David Farge "ABISTODENAS"

CINSAULT(veur) #10 : Le Marlon Brando du Languedoc.

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Dans la frêle lumière d'une nuit bien avancée, se déhanchant lentement au creux d'une fumée trouble que les cigarettes entretenaient, bientôt, se dessine la silhouette de Jeff. La marmite fumante d'un bourguignon semble peser de tout son poids pour que les minutes de cet instant de partage épicurien deviennent des heures. Les ventres sont bien tendus, les esprits vagabondent de verre en verre, de bons mots en éclats de rire. Jeff vient de remonter de sa cave. 
Une bouteille prend place au milieu de cette joyeuse assemblée, le verre ciré et poussiéreux de ce nouveau partenaire laissant penser à un de ces vieux crooners en costume trois pièces délavé. Nous le saluons d'un regard, l'invitant à rejoindre l'ambiance embrumée de notre réunion aux faux airs de speakeasy dans lequel on étanchait sa soif du temps de la prohibition.
Mandaté par notre hôte vigneron du soir pour déboucher l'épilogue liquide de ce dîner (épilogue qui n'en fut évidemment pas un), je me penche donc sur l'étiquette maladroitement collée sur le flanc de ce flacon délavé par le temps. Trônant entre mes mains, un magnum de Copains 2003, expression ultime des cinsaults du domaine. Une bouteille rare, car avant 2013, cette cuvée concoctée il y a une décennie maintenant était la dernière du genre. Ainsi, les papilles alertes, le verre attendant patiemment qu'une constellation de petits éclats de cire libère un bouchon qui n'attendait que ça, je m'attèle ardemment à la tâche, avec toute la patience et la méticulosité qu'une fin de repas enlevée veut bien délivrer.
Qu'il doit être surprenant, après un tel repos, de se retrouver dans cette ambiance surréaliste de tripot surexcité, où les mises sont liquides, et les règles, celles du simple bavardage assourdissant. Malgré tout, le pas assuré, voilà que notre nouveau copain glisse maintenant au creux de nos verres...

La robe légèrement tuilée, arborant à s'y méprendre le grenat brillant d'un velours de casino, trahit sensiblement le poids des années nécessaire à l'apprentissage du jeu sans retenue. Là, où son cadet, tout juste débarqué sur scène, se montrait mordant et précipité, ce jus maintenant devenu adulte prend son temps. Il sort sa blague à tabac, laissant flotter l'odeur de quelques feuilles séchées au dessus du verre. L'expression aromatique est subtile, florale, mais exprime aussi un caractère bien trempé que la bouche s'empresse de révéler. Car derrière la légèreté du ton, c'est bien un propos sombre, sanguin, baigné de la fumée pensive d'un cigare qui s'étale aux quatre coins du palais. Une parole percutante, portant l'énergie et la vivacité d'un voyage initiatique d'une décennie, aujourd'hui achevé au creux de nos verres. Le fruit mordant des débuts n'a rien perdu de sa verve, il s'est juste étoffé d'un brin d'assurance, baignant nos papilles de la richesse d'une histoire ayant éclipsée le lointain clinquant d'une jeunesse encore mal assumée. 
Cette bouteille de Copains 2003, c'est finalement un peu du Marlon Brando dans le texte. Rebelle et incorruptible Emilano Zapataà ses débuts, fougueux révolté de la cause du peuple ; il finit, l'âge aidant, par s'installer au creux du respecté fauteuil de Parrain, imposant ainsi d'un simple regard, celui de Don Corleone, son évidente hégémonie.

Merci à toi Jeff pour ce beau moment de poésie liquide made in cinsault. Un flacon qui forge encore un peu plus l'idée noble que l'on peut se faire de ce cépage le plus souvent dévolu aux seconds rôles. 

Les grands vins comme les grands hommes ne naissent pas dans la grandeur, ils grandissent*, aurait peut-être pu extrapoler Mario Puzo. C'est en tout cas, pour moi, l'image véhiculée par cet admirable flacon. 

* La citation originale de Mario Puzo, dans son roman Le Parrain, étant : "Les grands hommes ne naissent pas dans la grandeur, ils grandissent.



La glouglousphère en GIFs animés #6

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Parce que parfois une image vaut bien plus que quelques mots. 

Parce qu'on n'est pas obligé d'être toujours sérieux quand on parle vin. 

Après un mot de janvier d'une lourdeur dramatique inégalée, voici peut-être le moment de décompresser un peu. Non pas que l'on ait oublié ce qu'il s'est passé, mais un peu de légèreté ne peut nuire à la santé, bien au contraire. 

Il en est d'ailleurs de même avec le vin...

Voici donc, servi sur un plateau, le 6ème épisode de la Glouglousphère en GIFs animés. 
Bonne dégustation !


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Quand tu commandes un bordeaux dans un bar à vin parisien.

Quand il reste 10 cl dans la bouteille.


Quand le marketing présente son nouveau spot publicitaire :
"Le rouge ? Le vin des vrais hommes..."
  
Quand un vin un peu trop "nature" te met une claque.


Quand tu dois obligatoirement t'organiser un peu avec tes cinq verres, 
après 3 heures de dégustation.



Quand tu laisses tes potes s'occuper de l'ultime bouteille de ton année de naissance.



Quand après quelques canons de chablis, 
l'expression "sucer du cailloux" prend tout son sens.

Quand les jours où tu craques, tu t'imagines vigneron en Champagne.


Quand on te demande si tu souhaites commander tes
 primeurs bordelais par 12 ou 24 bouteilles.


Quand tu passes voir les nouveautés chez ton caviste mais que tu n'as plus un rond.


Quand tu expliques à tes potes que le vin blanc c'est comme tout, 
faut pas que ce soit trop froid.



Quand tu pars chercher une bouteille à la cave, 
mais que celle que tu veux est tout en dessous de la pile.

Quand tu hésites un peu plus chaque jour à ouvrir les bouteilles achetées pour la naissance de tes enfants.

 
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Et un petit bonus en prime !

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 Quand tu croises Michel Smith en route pour une dégustation de carignan.



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Et toujours, à voir ou à revoir :  






Menu enfant.

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Que cherche-t-on quand on va au restaurant ? Vaste question qui mérite peut-être plus qu'une simple réponse approximative de ma part tant la finalité d'un repas dépendra de ce que chacun veut bien y trouver. Malgré tout, depuis le temps que je pose aléatoirement mes fesses de restaurant en restaurant, j'ai eu l'occasion de laisser murir quelques idées personnelles, notamment en ce qui concerne l'élite supposée de la cuisine. Oh, en aucun cas un amoncellement de préjugés péremptoires, non, de simples réflexions sur ce que se doit simplement d'être, à mon humble avis, un bon gueuleton au restaurant. En effet, étoilée ou pas, il est des manières, des visions de la restauration qui m'indisposent vraiment. Et si je viens au restaurant pour passer un bon moment, je m'y installe avant tout pour manger. Évidence me direz-vous ! Non, question de priorité. 

Plaisir et appétit, deviennent ainsi deux indispensables, deux indissociables, parfois relégués au second plan des priorités en cuisine. L’hégémonie du beau, du paraître, ne doit en effet aucunement écarter la notion de bon, de goûteux. Et ce n'est pas la suffisance d'un chef peignant ses assiettes plus qu'il ne les remplit qui permettra de sustenter une clientèle en attente de salivation. Le cuisinier se voudrait passeur d'émotions, mais qu'en est-il de ces spectacles culinaires ego-centrés, de ces "expériences uniques" inhibitrices du plaisir vrai, ou de ces services aussi intrusifs qu'inutiles orchestrés par ces colonies de pingouins trop apprêtés ? Un poisson-clown ne sera jamais plus appétissant qu'un Saint-Pierre...
Avis personnel s'il en est, j'ai toujours pensé que les cuisiniers étaient des personnes comme les autres et que le chichi-pompon baignant nombre de belles salles n'était que le fait d'une partie de la clientèle nécessiteuse de ressentir l'éclat de son rang social. Ainsi, à l'heure de pousser de la porte de n'importe quel établissement, j'aime à percevoir ce brin de simplicité assouplissant les attitudes et recadrant l'attention sur l'assiette.
Et ce pragmatisme dévolu au simple manger ne transparaitra jamais autant qu'au travers du regard d'un enfant. Un mioche, lui qui n'en aura rien à secouer qu'on lui tricote une fleur exotique avec sa serviette, qui empilera vite fait bien fait les repose-couteaux pour s'en faire des tourelles de guet, qui posera son derrière à hauteur de tablée en déclamant, sans retenue, un sincère : « Qu'est-ce qu'on mange ?». Car, oui, à la cantine, à 13H00, ça fait déjà un bail que les accus sont rechargés.

Ainsi, ce mercredi, nous décidâmes de jouer du couteau et de la fourchette en présence de la descendance. Rendez-vous était donc pris à quelques encablures de la maison, chez Franck Renimel, au restaurant En Marge. Restaurant étoilé depuis quelques temps déjà, ce n'est pas parce que le Bibendum, cerbère d'un certain garde-manger doré, lui accorde certaines faveurs que nous nous y sommes attablés avec grand plaisir ce jour là. 
Certes nous y avons très bien déjeuner, profitant de la formule de midi et de ces composantes du quotidien fort bien accommodées : une moule/frites gouteuse en guise d'entrée, un cassoulet "En Marge" qui n'oublie pas les saveurs du Lauragais en se dévoilant sans balourdise, et enfin, un entremet orange et tilleul frais et glissant. On pourrait toujours railler le double intitulé façon Top Chef (la revisite est à la mode), n'empêche que c'était franchement bon. Mais ce qui me fait dire que nous y reviendrons bientôt, c'est bien autre autre chose. Là où certains rechignent à voir débarquer dans leur resto une clientèle qui leur est pourtant promise un jour, Franck Renimel aura pris soin, le plus naturellement du monde, de notre petit, seul marmot attablé dans la grande salle ce midi-là. 
En effet, à l'invitation de l'équipe, alors que nous demandions si un menu enfant était proposé, voilà le gamin qui se lève de table... Du haut de ses cinq ans, fier comme Artaban, il part en cuisine se faire son menu.
(Retranscription du dialogue)
Franck Renimel : Salut mon grand. Alors, tu veux manger quoi ?
Jules : ... (oui, à 5 ans on parle pas aux inconnus, du moins pas avant qu'il ne vous donne à manger)
Franck Renimel : Tu aimes les œufs ?
Jules : Oui.
Franck Renimel : Bon, on va te faire un œuf magique, avec une crème de haricots blancs. Tu aimes les haricots ?
Jules : Oui. (Bon, mon fils aime à peu près tout.)
Franck Renimel : Et en plat, tu veux du poisson ou de la viande ?
Jules : De la viande.
Franck Renimel : Tu préfères du bœuf ou du porc ?
Jules : Du bœuf.
Franck Renimel : Avec des petits légumes et des frites spéciales, ok ?
Jules : C'est très bien.
Franck Renimel : Et pour ton dessert ? Chocolat ou fruits ?
Jules : Euh... Des fruits !
Franck Renimel : Ok, on va voir avec le chef pâtissier ce qu'il peut te faire.
Chef pâtissier : Je peux faire un vacherin, chef !
Franck Renimel : C'est une sorte de yaourt glacé à la chantilly, avec de la meringue et de la chantilly.
Jules : J'adore la chantilly.
Franck Renimel : Bon, ben on te prépare tout ça, et bon appétit.
Bon, ok, je vous l'accorde, mon fiston n'est pas des plus difficiles à contenter. Mais prendre le temps d'accueillir un gosse dans sa cuisine, et l'aider à partager ses goûts, à composer son menu, c'est l'assurance d'un appétit décuplé une fois le repas lancé. Une attention sincère qui pose, en plus, un semblant de réponse pertinent à la difficile question de l'éducation au goût chez les enfants. Plutôt que de balancer un menu à la con, solution de facilitéet d'espérer que la prochaine tablée ne verra se pointer une marmaille inconvenante, rendre les enfants acteurs de leur déjeuner semble une évidence. C'est pourquoi je ne peux que saluer cette initiative.
 

Et comme le disait l'autre : Un repas sans vin, c'est comme un tagagada sans tsoin-tsoin. Ajoutons donc à cela une sélection de vins qualitative et raisonnable en termes de prix et la boucle est bouclée. Oui, car il ne faut pas s'en cacher, manger dans un restaurant tel que celui-ci à un coût. Il peut être justifié, n'empêche que tout le monde ne peut pas passer son gueuleton étoilé en note de frais... Alors, quand on voit plus d'une vingtaine de références à moins de 30 balles la bouteille, on se dit que le repas à toutes les raisons de bien se passer. Nous avons donc jeté notre dévolu sur un Mâcon Village tout en fraîcheur de Julien Guillot, avant de poursuivre avec un très élégant et séveux Crozes de David Reynaud. Deux vignerons attachés à leur terroir et à l'élaboration la plus naturelle possible de leurs vins. Un régal pour les papilles venant donc clôturer un très bon moment, où tout le monde aura été considéré à juste titre. 

Vous me direz peut-être que c'est la moindre des choses... Vous me permettrez tout de même d'en douter.


Gommettes, conserves ou terroir ?

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Avant-hier, je me suis payé une bonne tranche... Grâce à qui ? À Marisol Touraine, ministre en charge de la Santé et de quelques autres portefeuilles périphériques. Reconvertie en diététicienne de la rue Duquesne, v'là t'y pas qu'en plein hiver, alors que les marmites permettent de faire le plein de confiance avant d'affronter les frimas de la rue, madame la ministre s'en va battre le pavé, une cassole à la main, pour enfin tordre le cou aux idées reçues.
   

Malgré les calories, il y a des lectures plus digestes que d'autres...

Oui, car il faut tout de même recontextualiser le propos de Mme Touraine. Ici, malheureusement, on ne parle pas de bons produits, de cocottes fumantes, de pieds de porc fendus libérant leur subtilité au creux d'un bouillon... On ne cause pas non plus d'un bar à la chair translucide, raide comme une trique, ou d'un filet de saule se lovant dans un beurre chantant. Non, évidemment...
L'information dont se félicite notre ministre, c'est cette nouvelle infantilisation dénuée de toute forme d'éducation qui va prochainement prendre place dans les rayonnages. Un étiquetage nutritionnel, sous forme de pastilles de couleurs, permettant à tout un chacun de savoir s'il bouffe de la merde ou s'il aura des abdos en béton en s'enfilant ses raviolis préférés. Je n'irai malheureusement pas plus loin dans l'analyse tant le vide qualitatif qui hante cette nouvelle mesurette du manger/bouger et autres injonctions moralistes s'affranchissant allègrement de toute once de bon goût m'exaspère. Exit le terroir, le goût, la notion de producteur, d'artisan et consort... Ici, on est à des années lumières de toute forme d'élévation, même minime, vers le plaisir de manger, que dis-je, vers cette source inépuisable de culture que peut-être la gastronomie. Non, on reste au ras des pâquerettes, en témoigne cet enthousiasme désarmant relevé sur le site de Que Choisir, organe de protection des consommateurs, dénomination seyante, tant les préoccupations de l'association relèvent d'un pragmatisme d'acheteur simplet dénué de toute analyse autre que celle du porte monnaie et de quelques menues recommandations de premier ordre.
Alors que les recommandations officielles de ne pas manger trop gras, trop salé ou trop sucré sont en réalité souvent complexes à mettre en œuvre, elles deviennent enfin à portée de main grâce à cet étiquetage qui, à rebours des idées reçues, décerne des pastilles vertes à de nombreux plats préparés tels que le ‘Cassoulet mitonné’ de ‘Williams Saurin’ ou le  ‘Petit salé aux lentilles’ de ‘Fleury Michon’. A l’inverse, on pourra limiter les occasions de consommation de la barre céréalière ‘Frosties’ écopant du rouge, comme le ‘Brownie chocolat pépites’ de ‘Brossard’ pour préférer par exemple les ‘Muffins recette anglaise’ de chez ‘Carrefour’ qui, même avec de la confiture, arborent un macaron jaune tout à fait recommandable dans le cadre d’une consommation quotidienne.

Pendant que je tentais désespérément de ne pas m'étouffer avec une couenne restée bien en travers de la gorge du fait de ces immondices, mes yeux continuaient de balayer péniblement ce satisfecit décerné sans scrupule au gouvernement. On cause gras, sel, sucre, avec la précision d'un horloger suisse. Discours censé rassurer le consommateur, mais tellement loin des réalités nutritives du bien manger. Manger, ce n'est pas se remplir avec la rigueur cartésienne d'un mathématicien fou. Tant de pans indispensables sont ainsi ignorés ! Je ne vous en ferai pas la liste, mais quid de la qualité des produits, de leur provenance, des listes d'ingrédients à rallonges puisant leur inspiration dans les manuels de petit chimiste de l'industrie agro-alimentaire... Bref, un énième attrape couillon.

Alors, pour finir par une note positive, je préfère vous parler d'un bouquin, d'une BD plus particulièrement. Ici, point de gommettes aux couleurs chatoyantes échappées d'une salle de classe de maternelle, non simplement le trait juste du beau et du bon. Les pérégrinations caloriques d'un Yves Camdeborde sillonnant notre pays, creusant votre estomac à chaque page tournée, emporté par le charme du vrai, le charme de quelques personnages passionnés par le terroir que révèlent leurs produits. Des canons des Lapierre, au beurre de Jean-Yves Bordier, du rouge de quelques homards brûlants à celui d'une belle côte de bœuf maturée, du tranchant lumineux d'un couteau traversant les générations à la noble noirceur d'une truffe juste sortie de terre, c'est une palette de vraies couleurs qui vient balayer nos papilles. Loin d'un étiquetage coincé sur quelques centimètres d'emballage, ces couleurs sont le vrai visage de la nourriture qui devrait remplir chaque cabas. 

Alors, n'hésitez plus, plongez un temps dans cet ouvrage qui sustentera sans retenue votre idée de la gourmandise, à moins que l'appel du ventre ne vous pousse à reprendre le chemin des casseroles, car il est sûrement bientôt l'heure de manger... pour de vrai.
Oui, vraiment, il y a des lectures plus digestes que d'autres.



VDV #73 : 50 nuances de vin...

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C'est vendredi, le dernier du mois qui plus est. Et qui dit dernier vendredi du mois, dit vendredis du vin. Ainsi, à l'occasion de cette 73ème édition, Tom, blogueur multi-carte dévoué au vin et au 7ème art tendance geek, en charge de nourrir notre curiosité avec un thème affriolant, nous demande ce mois-ci de dévoiler cette facette obscure qui nous titille à l'heure de déboucher quelques flacons, sources d'un plaisir évidemment partagé.

Vous comprendrez aisément la référence aux 50 nuances de Grey (cérame ou émaillé)... 

Bon, malgré le FLOP (attendu) du gros navet censé émoustiller la ménagère de moins de cinquante ans, film qui a défaut de rentrer dans les annales (sic) aura eu au moins le mérite de mettre un coup de projecteur sur l'univers feutré des magasins de bricolage, je vais néanmoins m’épancher sur la chose. 

En effet, hors de question de lier le destin du vin, organe de plaisir quotidien (ou presque) à une bouse tombée dans l'oubli le jour de sa sortie, un film semblant être au cinéma ce qu'Annie Cordy est au sadomasochisme (ou l'inverse). Bref, je ne vais pas m'engager dans une diatribe cinématographique, car ce n'est ni le lieu, ni l'endroit, d'autant plus que vous devez commencer à avoir soif.

Il est donc l'heure de passer à qu'on fesse. De vous livrer mon petit pêché mignon en terme d'entorse à mon amour pour la diversité vinicole et à ses infinies nuances. Car, il est vrai, que si ma passion pour le vin ne s'essouffle aucunement depuis ces années passées, c'est en grande partie grâce à ce pluralisme, cette cacophonie organoleptique, qui sied si bien au raisin et à ses déclinaisons viniques. 

Un éclectisme pourtant parfois mis à mal par ce soupçon d'uniformisation que permet une méthode de vinification : la macération carbonique.
Technique souvent assimilée aux vins primeurs ou au beaujolais (pas que nouveau donc), elle permet en un tour de passe-passe, grâce à une fermentation se déroulant dans un milieu saturé en gaz carbonique, d’exacerber le côté câlinant, fruité et souple du vin rouge notamment. Malgré tout, non pas que mon palais de fillette innocente soit d'une fragilité telle qu'il ne puisse s’acoquiner de quelques tanins anguleux, je dois bien avouer que cette douce étreinte proposé par ce style de vin possède bien quelques charmes pour appâter mes papilles.

Le problème avec la carbo (si s'en est un) c'est que l'on a parfois l'impression de boire toujours un peu le même vin. Notamment sur la jeunesse, où la pétulance d'un fruit si avenant semble éteindre toute emprise du terroir sur la bouteille. À l'aveugle, on passerait presque sa vie dans le beaujolais... Charmante région au demeurant, il n'en reste pas moins qui si vous deviez bouffer, comme mon chat et ses croquettes, la même gamelle chaque jour, une évidente impression de lassitude s'emparerait indubitablement de votre passion jusqu'ici langoureuse pour le jus de treille.
Mais bien heureusement, mon palais n'est en rien lié à quelques menus flacons dictant leur message liquide un poil uniforme. Et il n'est pas rare, qu'en matière d'émotions bachiques, l'infidélité soit de mise. 

Ainsi, quand pointe l'envie soudaine d'une rencontre doucereuse avec les courbes arrondies et gourmande d'un de ces jus, je me faufile discrètement vers ma cave d'où j’extrais, non sans attention, un de ces flacons que j'affectionne en secret. La dernière fois ? Ce fut une bouteille de Rozeta 2012, un corbières à contre-courant, vous l'aurez compris. Un jus encore vif, où les petites baies sauvages éclatent comme autant de bulles d'un plaisir aussi simple qu'agréable. Alors, même si je sais qu'avec quelques années, ce qui sur sa jeunesse ressemble plus à un superbe beaujolais ayant pris le soleil qu'à un jus régional de souche (sic) commence à livrer l'expression très personnelle d'un superbe terroir, je craque. Et comme tant d'autre, je remercie Maxime Magnon, ce bourguignon devenu audois, ayant fait ses armes chez les plus grands (A.Selosse ou encore T.Allemand notamment), et qui, dans le plus grand respect de ses collines couvertes de vignes, au naturel, viens nous livrer sa partition d'un plaisir certain. 


Télégramme ariégeois (qui rime avec millas)

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NAILLOUX 02032014 - 16h39

SOUVENIRS ENFANCE / MILLAS / DIMANCHE SOIR / IDÉAL / SOIRÉE HIVERNALE

RECETTE ARIÉGEOISE / LEST POUR ESTOMAC / DESSERT SUCRÉ / MAIS AUSSI SALÉ

COCOTTE FONTE / BOUILLIR 50 CL LAIT + 50 CL EAU /  AJOUTER 400 G FARINE MAÏS

REMUER CUILLÈRE BOIS / AJOUTER 150 G BEURRE ET 150 G SUCRE / PINCÉE SEL 

REMUER CUILLÈRE BOIS / QUAND CUILLÈRE BOIS TENIR BIEN DROITE DANS COCOTTE 

ENVIRON 20 MIN / ÉTEINDRE FEU / AJOUTER RASADE ARMAGNAC ET GOUSSE VANILLE  

ÉTALER SUR TORCHON / 2 CM ÉPAISSEUR / LAISSER REFROIDIR SUR REBORD FENÊTRE  

DÉCOUPER RECTANGLES / DORER DANS BEURRE OU SAINDOUX / SUCRER UN PEU

MANGER CHAUD / APRÈS BAIN DU DIMANCHE SOIR / PRÊT POUR AFFRONTER SEMAINE

ABISTODENAS 





La Part de l'Orage.

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Ça y est ! Il est enfin là... Livré dans les premières tavernes, caves et autres adresses de choix. Et non, il ne s'agit pas du dernier tome des Tronches de Vin, guide pinardier de référence dont on reparlera bientôt.

Non, celui dont je vous parle aujourd'hui, c'est ce dernier né, sorti au forceps des caves de Frédéric Palacios. La Part de l'Orage, jus solidaire venu des quatre coins de l'Aude, suite aux événements climatiques ayant ravagés une partie du département durant l'été 2014. Quelques minutes de grêle, d'apocalypse. Quelques minutes ayant détruit le travail de plusieurs années, laissant un vigneron démuni face à un destin que l'on n'ose pas imaginer un jour, bien que l'on connaisse les risques du métier.  

Frédéric, c'est ce jeune vigneron de la Malepère, terroir de "mala pèira", mauvaise pierre friable faisant le bonheur des racines accrochées aux flans du Mont Naut.
source : Facebook - Frédéric Palacios
Frédéric, c'est la sincérité à l'état liquide, des jus denses et élégants, arborant fièrement un caractère sans pareil. C'est d'ailleurs assez troublant de constater que la personnalité d'un vigneron se retrouve parfois de façon évidente dans ses vins, où qu'il passe, quelque soit le cépage qu'il vinifie. Cette impression que le terroir se livre pleinement, confiant envers celui qui le chérit et que la patte du vigneron vient s'apposer ensuite comme une signature sur chaque bouteille. Que ce soit bien clair, je ne parle pas ici d’uniformisation du goût. Ici, point de carbo charmeuse venant aguicher le chaland à grands coups de rondeur fruitée exemplaire. Non, juste l'impression de boire cette colline baignée du pourpre de ses raisins révélés à nos papilles par la passion et le talent d'un vigneron.
Alors, une fois le fruit de son travail à terre, il fallait trouver une solution. Et comme pour Édouard Fortin et Robert Curbières, c'est un élan solidaire initié par l'association Changer l'Aude en Vin qui permettra au tenancier du Mas de mon Père d'espérer des jours meilleurs. Une asso locale composée de copains de choix ayant comme qualité principale, outre leur générosité, une faculté à élaborer de sacrés bons pinards. Tous ces vignerons ont ainsi décidé d'offrir une partie de leurs raisins au voisin de la Malepère, afin qu'il puisse élaborer une cuvée lui permettant de tenir la tête hors de l'eau. Et voilà donc notre Arzenais sillonnant l'Aude en quête d'avenir liquide et d'amitié. C'est ainsi que nous avons pu suivre durant plus d'un mois le parcours de celui qui allait enfin pouvoir se remettre à faire ce qu'il sait vraiment faire : du vin.

Plus diffus que l'itinéraire d'un TER arpentant la campagne, ce périple mena donc la fourgonnette de Frédéric des bords de mer où sévissent Marc Castan et la famille Mann, au Carbardès de Guilhem Barré, Edouard Fortin et Clément Mengus ; des proches limouxins Gilles Azam et Etienne Fort aux pensionnaires des corbières : Sophie Guirodon, Rémi Jaillet ou Xavier Ledogar. Sans oublier un petit détour par le minervois et les jus du Loup Blanc, de Benjamin Taillandier ou encore ceux de Jean-Baptiste Sénat. J'en oublie peut-être, mais cette tournée des copains sonnait déjà comme un vrai retour aux affaires...

Au final, une vendange qui ne pouvait être que qualitative et l'opportunité pour un grand vigneron de présenter à tout amateur de bon vin le visage gourmand et solidaire d'un département de choix. Il ne manquait plus qu'un nom à cette cuvée. Et c'est suite à une rencontre avec Grégory Nicolas, auteur du livre La Part de l'Orage, que ces flacons purent être baptisés... 
La Part de l'Orage, appellation pleine d'humilité, rappelant, s'il en était encore nécessaire, la déférence du vigneron face à Dame Nature et ses sautes d'humeur. Mais aussi un beau petit ouvrage de nouvelles arrosées de bon vin avec générosité et talent. Un bouquin à siroter un verre à la main, un verre de ce "melting-potes" audois, évidemment. Car comme on pouvait l'espérer, La Part de l'Orage est un vrai bon vin. Quelques minutes d'ouverture, le temps de se dégourdir les articulations et glisse dans le verre un jus plein de relief, sérieux mais gourmand, fluide mais prenant le temps d'exposer sa personnalité. Une vrai partition de fanfare, ou chaque terroir résonne comme un instrument différent au service d'une gaieté liquide qu'on se plait à déguster, que dis-je, à boire simplement... Pas vraiment le genre de vin que l'on analyse, mais plutôt celui que l'on partage afin d'en respecter le dessein. Car comme me le disait Grégory Nicolas il y a quelques jours :Le vin, les livres, on les fait pour la même raison. Pour les gens. 

Une cuvée (autour des 10 euros) que vous trouverez chez votre caviste local ou au domaine, à moins que vous n'ayez déjà pré-réservé vos bouteilles dès la fin de l'été, quand le projet vit le jour. Une cuvée qui sera, à peu de choses près, l'unique ambassadrice du domaine pour représenter dignement ce millésime 2014. Un millésime marqué par la folie des éléments, mais à présent, aussi, par cette éclaircie venue de ces quelques valeurs simples que sont le partage, l’entraide et la générosité. 
 

Le verre de rouge idéal...

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À l'âge d'acheter ma première guitare, je n'avais qu'une envie : pouvoir laisser glisser mes doigts sur le manche vernis d'une Gibson pour revisiter avec l'indulgence d'un auditoire aussi exigeant qu'un jury de télé-crochet carburant à la Kro, les standards d'une éducation musicale ne boudant pas les décibels. Mais avec le temps, même si l'on n'a pas encore appris à dompter les envoutantes mélodies craquant encore sous le diamant de la Thorens familiale, on se prend tout de même à essayer de comprendre l'instrument que l'on a entre les mains. De la brillance cristalline d'une Strat'à la douceur rondouillette d'une PRS, de la chaleur tubulaire de ma Les Paul au ronron un rien sale et charmeur d'une White Falcon, le simple fait de connaître l'objet de son futur bien-être musical, de le toucher, d'en ressentir chaque pièce, chaque vibration, décuple le plaisir bien au-delà de toute série de quatre accords, fussent-ils d'une efficacité sans pareil.
Mais pourquoi venir mêler le destin musical raté d'un ado boutonneux à la descente d'un godet de rouge me direz-vous ? La réponse est pourtant simple : LE TOUCHER. Cette source inépuisable de plaisir, trouvant ses origines dans l'assiette ou sous la couette, ne détourne pas le regard à l'heure de se jouer de quelques tanins...
Du bout de la langue, un frôlement doux ou plus sévère, les papilles qui frémissent, les mâchoires croquant leur dû comme un plat de résistance... Le vin a soif de caresses, tout comme la bouche peut se languir d'étreintes purement physiques. Pour cela, rien de tel qu'un verre de rouge, responsable en un instant du frisson hérissant le poil de votre échine soudain tombée dans les méandres du plaisir charnel. Un ravissement dont la cause n'est autre que ce simple et primitif ressenti papillaire. Le jus glisse, tapisse, se joue ainsi de chaque cavité, dévoilant ses charmes avant même que l'évidence d'un écho de fragrances débusqué de prime à bord au dessus du verre ne vienne parasiter cet enlacement encore hermétique au parfum de l'ivresse.
Oui, depuis pas mal de temps déjà, je dois bien admettre que si un rouge vient à me faire dresser les poils, c'est rarement à cause de ses effluves de fraise des bois, d'hibiscus ou de poivre de Tazmanie. Non, c'est le plus souvent grâce à son grain. Certes, on ajoutera à ce tissu d'émotions quelques critères pouvant s’apparenter au goût ou à l'odorat, mais cela reste tout de même une impression de plaisir assez enfantine, voire primitive.

La recette de ce canon faisant tourbillonner mes papilles ?

Une bonne dose de fraîcheur, une impression de pureté amenant le vin à glisser sans anicroche du palais au gosier, une structure bien présente mais dont le maillage s’apparenterait plus à un morceau de popeline qu'à une toile de jute et un discours ample du type "caractériel discret", genre qui n'a pas besoin de gueuler pour montrer qu'il est là.
Côté aromatique ? Il ne faudra pas être trop bruyant. Il est des poignées de main, des accolades qui valent de longs discours. On laisse tomber aussi la bonne vieille tape dans le dos qu'on garde pour les apéros "saucisson" ou encore le blabla putassier du pinard dont t'as l'impression qu'il a quelque chose à te vendre. 

Non, décidément, plus j'écris, plus j'y pense et plus je crois que ce rouge parfait ne parle pas, il chuchote, murmure. Il se fait comprendre, et semble aussi, de son toucher souple et entraînant, s'émouvoir de l'intérêt qu'on lui porte. Il n'est pas non plus toujours des plus complexes, mais arbore plutôt fièrement le mordant sauvage de sa jeunesse. Qu'il soit pinot ou syrah (le plus souvent), carignan, cinsault ou merlot, il s'y cache toujours derrière, un vigneron de talent, respectueux de son terroir. En témoigne ces quelques bouteilles dont j'ai pu parfois parler ici ou là. Un Chambolle du Domaine Arlaud, un Cornas de Matthieu Barret ou un Crozes de David Reynaud, une Pervenche de Thierry Valette en Castillon, un Pradel de Xavier Braujou... 

Tous ces flacons témoignent d'une même impression, celle que le toucher prévaudra toujours, que cette promiscuité des sens où la parfumerie supplanterait la délicatesse d'une discrète caresse n'est en fait qu'une illusion. Car si l'on peut s'enivrer d'un bouquet, l'odorat ne supplantera jamais le toucher quand il s'agit de démystifier, comprendre ou partager...

VDV #74 : SOIF !

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Déjà la 74ème édition des vendredis du vin. Et ce mois-ci, c'est Fred Truchon agitateur forézien, un poil chauvin, de la glouglousphère qui s'y colle. Le genre de gars qui dès qu'il le peut, vous fait passer les volcans du Massif Central, voire même ceux du Pacifique, pour de vulgaires amas de purée au jus de viande en comparaison des pets de nonne qui compose sa campagne... Mais voilà, il est tout excusé, car le monsieur arbore aussi un certain savoir vivre. Faisant l'apologie des cochonneries de premier choix, le garnement aurait aussi tendance à abuser du tire-bouchon. C'est qu'il en faut du jus pour absorber casse-croûtes et autres boustifailles dominicales ! Et face à la générosité de ce coup de fourchette, il est certain que le vin doit venir jouer les premiers rôles, ne pouvant se contenter de venir remplir le verre tel un condiment sur le bord de l'assiette. Il faut encourager les glissades, entretenir le vortex du gosier.

Le thème était donc tout trouvé. Ce mois-ci, nous causerons hydratation et survie liquide. Ce mois-ci, le vin jouera les secouristes. Ce mois-ci parlons du vin qui désaltère.

En effet, quand certains préfèrent ajouter quelques glaçons dans leur godet pour se rafraîchir l'haleine, d'autres ne cèdent pas à la facilité et choisissent de changer l'eau en vin... Bizarrerie déraisonnable ? Je ne crois pas... Simple mesure de précaution à l'heure d'allier l'utile à l'agréable. À l'ombre d'une tonnelle, à la table d'un dimanche en famille, en mesure préventive avant d'affronter le dessèchement contraint par un fautif barbecue, il est parfois nécessaire de prévoir une hydratation de qualité, surtout quand quelques verres à pied ont décidé de nourrir la bonhomie de ce genre d'instants.

Alors, ils accourent. Ces vins, dévoués à la noble cause, n'ont pas de nom, mais on les connait. Ils ont une place de choix dans notre cave, souvent le casier ou l'étagère la plus accessible. Si on voulait les affubler d'un petit sobriquet, on parlerait peut-être de chair à canon, tant leurs rangs se font décimer avec une aisance à faire pâlir n'importe quel stratège militaire. Mais bien heureusement, s'ils vont au front, c'est avant tout pour faire don de leur générosité liquide. Ils sont un peu les Laurent Voulzy de la lutte armée... (Changer le monde avec des bouquets de rosé bien frais...)

Sans réel uniforme, ils ont tout de même quelques attributs communs. D'une fluidité sans pareil, ils glissent sans commune mesure sur les pentes alertes des gosiers les plus abrupts. Des jus faciles arborant le plus souvent la fougue d'une jeunesse insolente. Calibré à minima, on leur préfèrerait le plus souvent le format magnum. Blanc, rouge ou rosé, peu importe leur teint, ils feront rosir nos pommettes. Servis un peu frais, leurs tanins ne vous en voudront pas car ils ont le plus souvent le tranchant d'un couteau à beurre. Bref, de vrais bons copains, livrant à qui le veut, le fruit de leurs entrailles. Ici, point d'étiquette, ni de descriptif pompeux. Non, le vin qui désaltère ne s’épanche nullement sur un éventuel dessein littéraire. On le boit, on profite de sa fraicheur, de son fruit, de son évidente naïveté, et c'est déjà beaucoup...
Montage créé avec bloggif
Voici donc une sorte de menu déroulant de mes réservistes de ces derniers temps, malheureusement pour eux, plus aucun d'entre eux n'est à l’abri sous sa capsule...
Je profite aussi de l'occasion qui m'est donnée de pouvoir vous parler de ces glouglous du quotidien, pour vous causer de ma dernière trouvaille en la matière. Un jus ligérien, ayant planté ces racines du côté de Cheverny. Un assemblage de pinot et de gamay saupoudré d'une pointe de cabernet-franc qui vous lave les papilles en y déposant gracieusement un petit panier de fruits rouges. L'Envol, un vrai canon de soif, façonné avec évidence par Jocelyne et Michel Gendrier au Domaine des Huards. Trouvez-en un carton, quelques tranches de jambon ou autres cochonnailles rendant hommage au président du mois et vous en manquerez avant d'avoir eu le temps de vous apercevoir que votre stock si chétif est déjà épuisé. Une pépite, abordable, comme tous ces petits bonheurs liquides qui peuvent jalonner le quotidien simple, gourmand et joyeux des esthètes du verre et de l'assiette.



Disney Club végétarien...

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C'est peut-être un signe des temps, un révélateur de la pensée d'aujourd'hui, à moins que ce ne soit simplement une de ces nouvelles argumentations à la noix (de veau) que peuvent nous pondre les annonciateurs de la saine pensée. Oui, car aujourd'hui quand on veut convaincre, il n'y a pas trente-six solutions. On peut évidemment se perdre dans les méandres du simple raisonnement cartésien, mais cela signifie devoir s'expliquer, prendre du temps, accepter que d'autres ne soient pas du même avis, etc, etc...

Alors que...
Source : Facebook Association Végétarienne de France
Alors qu'il est tellement plus simple de s'offusquer, de sortir les violons, de jouer la pseudo dérision. Il est tellement plus simple de faire vibrer la corde sensible, de miser sur le tout affectif, de jouer l'infantilisation des masses. 

Mais non, sur Internet ou ailleurs, le pékin moyen n'est pas qu'une poche lacrymale, un cœur en guimauve, ou un enfant maintenant adulte, mais malgré tout, encore sous le choc de son premier visionnage de Bambi ! Et pourtant...

À y regarder de plus près, sous cette injonction de cour de maternelle se cache maladroitement le dogmatisme d'une frange d'ayatollahs proposant à qui veut l'entendre (ou pas) une sorte de gloubiboulga indigeste servant de plaidoirie à la cause végétarienne. Je n'ai rien contre les végétariens (j'ai d'ailleurs un ami...), comme je n'ai rien contre les fans de Star Wars ou les bouddhistes, chacun sa religion, ses croyances ou ses convictions. Non, ce qui me hérisse le poil c'est le propos qui se cache derrière l'intitulé. Car au même titre que l'on se mettait à crapoter en cachette des cigarettes pêche-abricot derrière le préau du collège constellé de tags au romantisme douteux, il semble qu'un de ces nouveaux signes d'appartenance idéologique en vogue ici ou là soit la criminalisation du viandard inculte ayant oublié d'évoluer depuis la préhistoire, et ainsi, c'est évident, de sauver le petit agneau que vous pouvez admirer un peu plus haut.

Que c'est mignon ! Et derrière le slogan immaculé se détachant de ce fond d'herbe fraîche baigné de soleil, un ramassis d'inepties dont il semble légitime de se demander s'il ne serait pas l’œuvre d'un groupe d'ados carencé en guimauve.
Je vous passe les détails, mais dans les entrailles de cette discussion aussi vide qu'un œuf Kinder®, sachez tout de même que le propos se veut engagé : quand certains applaudissent cet élan de pacifisme envers les bébés animaux, d'autres tentent la radicalisation en brandissant la perversion du lait présent dans le chocolat, s'ils ne font pas, dans un élan de dévotion hypocalorique, l'apologie du repas de famille version ascète, à base de graines et autres résidus de soja à la provenance douteuse. J'exagère à peine, mais c'est de bonne guerre. Que voulez-vous, chez les extrémistes en tout genre, la base à parfois un peu de mal à contenir son propos, se laissant souvent aller à quelques extrapolations intéressantes...
Car le problème est tout autre, quand moi, le carniste (sic) perverti à la protéine animale, je deviens le mal absolu avec mon lapin de Pâques (oui, je n'avais pas d'agneau, et le lapin c'est aussi très bon, nous en reparlerons plus bas), le vegan, lui, ne s'offusque pas de la provenance plus ou moins labellisé de son panier militant. Oui, au delà du choix de régime alimentaire, c'est avant tout de ça dont il faut causer sérieusement. D'où viennent vraiment vos emplettes du samedi ? Végétarien, viandard ou sans étiquette, qu'on ne me fasse pas gober que le militant de tout bord remplit exclusivement son cabas à l'AMAP du coin. Et qu'on ne vienne pas m'emmerder avec le bilan carbone de mon lapin de Pâques, car celui-ci, dans son village voisin, tout juste s'il n'avait pas une vue dégagée sur ma cocotte fumante, le coquin. 
Ainsi, j'ai l'impression qu'au pays de la tartuferie alimentaire on se trompe un peu trop souvent de combat. Et qu'une bonne dose de larmes peut parfois noyer allègrement le vrai problème de l'assiette française. Car oui, comme mes copains de l'Association Végétarienne de France, je m'insurge contre l'élevage intensif et industriel, comme eux je pense que bouffer des résidus de poulets camouflés sous un peu de panure relève de la malnutrition, et comme eux j'ai versé ma larme à la mort de la mère de Bambi. Mais aujourd'hui si le végétarien n'est en rien un simple bouffeur de tofu hystérique à la vue d'un cou farci, l'adepte d'une cocotte de lapin ou d'un carré d'agneau de lait de chez Cathy Aimé n'a rien à foutre dans le box des accusés aux côtés des plus sombres attitudes de l'humanité...
Source : http://www.vegetarisme.fr/veni-vidi-veggie-episode-5/
Et si faire des choix personnels est une chose, tomber dans l'obscurantisme d'une énième guerre de religion dans laquelle le simili cuir, les fraises de Noël et le steak de soja seraient les standards d'un nouvel âge d'or sociétal en est évidemment une autre. Que l'on vienne me causer du mieux et moins manger, de terroir, de saisonnalité des produits ou de combat contre la grande distribution, le tout, autour de quelques verres vin, et je retrouverai certainement un peu mon calme, en attendant, je retourne à ma cocotte. Un lapin bien doré, quelques oignons, quelques carottes, un peu de thym, une grand verre de ce fabuleux nectar jurassien et une pointe de crème, le temps que le vin prenne un peu d'ampleur dans le verre et nous passons à table. 

Vous prendrez bien une cuisse de lapin ou vous préférez me tomber sur le râble ? 

Ce petit Truc en plus...

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Les mots ont cela pour eux, dans la bouche de celui qui saura les faire danser avec passion et générosité, ils pourront s'épanouir et donner vie au moindre caillou, et ainsi, le laisser nous conter son histoire.

Parfois, au hasard des opportunités, il est des rencontres dont on aimerait se souvenir plus longtemps. De ces échanges pleins, riches et savoureux qui permettent de goûter l'instant, laissant ainsi les mots s'emparer du tic-tac méthodique et impatient rythmant le quotidien. Ma rencontre avec Georges Truc est de celle-ci. Chapeau vissé sur le crâne, la tempe grisonnante et le pied alerte, Georges est une de ces personnes qui, surgissant d'une discrétion toute en délicatesse et humilité, vous accapare pour vous conter ce qu'il connait le mieux : sa terre. Le genre d'encyclopédie vivante dont la poussière des étagères se méfie, ne l'ayant que si peu vu arpenter les rayonnages sombres des bibliothèques, lui, préférant certainement le grand air baigné de mistral des terres rhodaniennes. Infaillible dompteur de cailloux, et aussi bon géologue que narrateur, nous nous vîmes ainsi accorder le privilège de marcher à ses côtés, à la découverte des terroirs de Châteauneuf-du-Pape et de Gigondas.

Des instants riches de savoirs et d'anecdotes, impossible à résumer, mais dont les quelques images goûteuses glissées ici ou là par notre géologue, méritent bien plus que quelques mots de reconnaissance.

Le crémeux millefeuille de Montmirail
Qui ne connait pas les Dentelles de Montmirail ? Dans le sillage du Mont Ventoux, elles font partie du paysage local, un peu comme Michel Drucker au sein du PAF. Et pour cause, ces barres rocheuses n'ont pas été posées ici par un manque d'inspiration divine face à un stock de caillasses un peu trop conséquent. Non, évidemment, mais alors comment ces résurgences calcaires se sont elles retrouvées à prendre l'air, tel le sourire édenté d'un Shane MacGowan après sa huitième pinte de bière ? Et bien, ce qui pourrait s'apparenter aux prémices d'une thèse dont jamais personne ne verrait le bout, s'est vite transformé en cours de pâtisserie en plein air, et ce, grâce au phrasé nourrissant de Georges Truc. 
Prenez donc un millefeuille dont la dernière couche serait la tant convoitée crème pâtissière, chaque couche de ce millefeuille représentant une époque sur l'échelle des temps géologiques. Seul un carottage vertical, éreintant, sur plusieurs kilomètres, aurait permis d'atteindre le Graal calorique à de telles profondeurs. Et bien c'était sans compter sur quelques principes évidents de physique. Ainsi, plus gourmand que la gourmandise, le millefeuille s'épaissit durant plusieurs millions d'années, au fil des dépôts géologiques divers et variés. Mais sous cet empilement rocheux, la pression est telle que des sels gemmes commencent à se liquéfier. C'est alors qu'une immense faille commença à faire parler la poudre, la faille de Nîmes, qui telle le coup de couteau d'un gourmand s'attaquant au gâteau, fit remonter ces sels, soulevant au passage nombre de couches différentes, dont les fameuses dalles calcaires qui forment les dentelles de Montmirail.
On parle là d'un temps que les moins de vingt ans que seuls quelques dinosaures ont eu le plaisir d'admirer. L'histoire ne dit pas si la crème coula un jour dans la vallée, mais sur les pentes de Gigondas, aujourd'hui, le raisin se nourrit de ce millefeuille pour mieux répandre ensuite sa gourmandise.

La suprématie galvaudée du galet roulé de Châteauneuf 
Un océan de soleil baignant une mer de galets dans laquelle semble lutter quelques pieds de grenache. Bienvenue à Châteauneuf-du-Pape, cité papale à la renommée mondiale, dont on se plait à vénérer les canons chaleureux qui ont construit sa réputation. Bienvenue sur cette terre que l'on apparente trop souvent, à tort, à la seule rondeur souple de ses galets. Mais comme toute terre de vignes, l'histoire de son terroir ne s'arrête pas aux simples contreforts d'une légende à valeur de carte postale. Son piolet dans sa besace, le sourire ombré par son couvre-chef, Georges nous explique sa version des choses, in situ, comme pour faire bisquer un peu plus les buralistes et autres vendeurs de souvenirs juchés au cœur de la cité castel-papale. 

Avant tout, Châteauneuf c'est trois grandes familles de terroirs, toutes ayant leur propre histoire ancrée dans une période dont l'étalon se mesure en millions d'années. Autant on peut se préparer son potager dans l'après-midi, autant cimenter le terroir d'un des plus beaux vins de France ne se fait pas la clope au bec entre deux repas de famille... 
Trois types de sols donc : on parlera d'abord des calcaires du massif du Lampourdier à l'ouest de l'appellation, mais on abordera très vite cette histoire de "safres", sables, grès, silts et marnes qui baignent littéralement le nord et l'ouest de l'appellation.

Car si vous ne le saviez pas, il y a 23 millions d'années, la mer méditerranée baignait le domaine rhodanien, avec notamment les Alpes comme tout nouveau plongeoir central. Ces grandes eaux, ainsi que les torrents dégringolant de la jeune chaîne alpine permirent le dépôt d'une quantité astronomique de fins matériaux, si bien que les bords du Rhône actuel s'étaient mués en une espèce de Paris Plage version qatari d'aujourd'hui. Ainsi naquit le mythe des Rayas et autres grenaches fait de dentelle et d'élégance, ces sols frais étant l'assurance d'une fraîcheur et d'une finesse traquées par les amateurs du genre. 

Alors, seulement, nos galets font leur apparition. Nous sommes il y a à peine moins de 2 millions d'années, Michel Drucker n'était pas encore né, mais sa lignée familiale déambulait déjà sûrement dans la plaine parisienne. À cette période, le Rhône décide de jouer en équipe et charrie dans son lit de quoi faire des ricochets pour encore quelques après-midis au bord de l'eau. Diverses roches, ainsi que nos fameux galets se déposent en terrasses durant quelques paires de millénaires... Jusqu'à ce que la météo acte que seuls ces derniers subsisteraient. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme jurait Lavoisier, et bien, tout ce qui n'avait pas l'apparence d'un cailloux rond et lisse en fut pour ses frais et partit rejoindre les sous-sols du coin. Reste maintenant ces quelques plateaux de galets disséminés ici ou là, parfait pour la photo et pour élargir aussi la richesse d'un terroir qui n'a d'égal que son histoire...

L'armement insidieux du géologue, ou comment Georges Truc a failli m'éborgner.
Pour finir avec un peu plus de légèreté, je signalerai juste que le géologue, aussi compétent et agréable soit-il, n'en reste pas moins un être armé et dangereux. En témoigne cet incident qui pour quelques centimètres aurait pu faire la une de La Provence ou du Dauphiné. L'arme ? Un piolet rachitique mais affuté. Le lieu ? Une roche du crétacé un brin récalcitrante. Pas aussi tendre qu'elle n'en avait l'air, la garce a éructé violemment en ma direction, libérant un projectile dont je fus heureux d'apprendre qu'il n'avait aucune animosité envers moi. Sinon, je n'ose imaginer ce que le fouetté vif et alerte de Georges aurait pu générer comme dommage. Et pourtant, et pourtant ce piolet nous aura accompagné tout au long de ce périple, fragmentant la roche comme pour en révéler ses entrailles dans lesquelles Georges, envouté, pénétré même, tentait, d'en percer la Genèse.

Oui, jamais caillou n'aura été aussi vivant, aussi bavard, et pour cette façon de raconter les histoires, pour ce petit Truc en plus, merci Georges, sincèrement.

Gānbēi !

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Le jour où j'ai rencontré Vincent, je pense qu'une certaine forme de confiance virtuelle issue de nos échanges sur les réseaux sociaux sévissait déjà entre nous. Nous n'avons donc pas eu à sacrifier au traditionnel rituel chinois du gānbēi. Si vous ne connaissez pas cette drôle de pratique, sachez que l'art du gānbēi semble être au vin ce que la pizza "fond de frigo" est à la gastronomie dominicale en famille... Et quand Vincent Bonnal, polyglotte et docteur ès culture chinoise me fit découvrir les dessous peu ragoutant de ce protocole de businessman, j'ai d'abord pensé à une caricature. Mais une fois la chose cernée, je dus bien admettre que les quelques jeux à boire ayant animés notre adolescence faisait de nous, dès à présent, de simples pisseuses de Tourtel. 

Pour la faire courte, car là n'est pas notre souci du jour : le chinois, avant de parler pognon et affaires, enchaîne les "cul-sec" de pinard (ou autres brûlots régionaux) avec son alcoolyte du jour. Si celui-ci, une fois pété comme un coing, reste digne et ne se met pas à déblatérer tout un tas de conneries ou à chanter L'aventura, en slip, la cravate autour de la tête, alors la confiance s'installe et on peut commencer à causer boulot. Fin, délicat, mais efficace semble-t-il...
Bref, revenons-en à notre exilé héraultais revenu sur les bords de l'Orb, après un périple conséquent en Chine à s'essayer aux divers métiers du vin. 

Aujourd'hui, après plusieurs années de travail intergénérationnel, Vincent reprend le domaine familial à son frère. Nous sommes en 2012, et le Domaine de Pélissols va ainsi connaître un virage important sous la patte nouvelle d'un barbu bien décidé à endosser la responsabilité d'une énième reconversion, cette fois-ci, aux côtés des siens. 

Le domaine de 6 hectares passe en Bio, la vigne côtoie la végétation locale, les sols sont enherbés et la vie est implantée au cœur de cet écosystème protégé. En privilégiant ainsi le terroir, l'intervention du petit chimiste qu'il fut durant ses jeunes années devient obsolète, Vincent se mue alors en artisan vigneron, accompagnant la vigne dans son quotidien. Au sortir de sa première année de travail, quatre cuvées quittent la cave : Un blanc fait de muscat et de chardonnay, un rosé à grosse majorité de grenache et deux rouges déclinant le merlot et la syrah en deux interprétations bien différentes. Aujourd'hui, Vincent attend son troisième millésime...
Et puis il y a ce projet. Une idée originale, celle de mettre en musique l'univers d'un domaine viticole, le sien : Pélissols.

"Les grands vins sont comme un concert. Le terroir est la partition, la vigne est l’instrument et le vigneron est l’interprète" - Lydia Bourguignon

Ce vin est issu d’une partition montagneuse.
Coteaux arides et venteux, aux sols vivants. L’herbe y pousse et on y croise des abeilles et des coccinelles. Le vigneron accompagne plutôt qu’il ne détruit.
Des vignes sans chimie, en harmonie avec l’écosystème.
L’instrument s’oublie quelque peu tant la mélodie importe. Du Grenache, de la Syrah, un peu de Merlot.
L’interprète, amateur de vins sans fard, sans maquillage à base de bois, de levures aromatisantes, ou d’autres techniques peu avouées, limite son intervention au strict minimum.
De beaux raisins murs récoltés à la main, des petites cuves pour chaque parcelle, un assemblage final pour une harmonie totale. Pas de filtration.
 
Cette cuvée spéciale se veut représentative du domaine, de son esprit, de son identité.
(source : http://www.1fuse.fr/pelissols/)
Mais revenons un instant à table. Dans ma cuisine, il est 15 heures, le petit fait encore la sieste, tradition familiale que rien ne viendra entamer. Autour d'un amas de bouteilles et de carafes, les discussions vont bon train. Vincent à le verbe clair, posé et c'est un plaisir d'échanger avec lui. On parle de son passé, de la famille, de son CV aussi éclectique que riche. On prend le temps... On philosophe aussi un peu, Vincent me faisant part de sa vision du métier et de ses convictions. Il veut faire du bon vin, qu'on se plait à boire, mais ne souhaite pas tomber dans le glouglou sans identité propre, sans ce reflet si important d'un terroir que l'on sillonne au quotidien et que l'on essaie peu à peu de comprendre. Un terroir dont Vincent ne néglige pas l'importance : "Se jeter dans le nature sans assainir ta vigne et le sol qui la supporte est une véritable ineptie !". Il fait aussi part de ses doutes, de son questionnement permanent, lui se voit en débutant, son passé de chimiste autour de l'étang de Berre, sous un nuage aux teintes douteuses, n'étant pas si lointain.
Pendant que l'on déblatère d'une vie ayant suivi les chemins vicinaux dévoués aux doutes et à la remise en question, le blanc 2013 prend place dans nos verres. Un jus vif et expansif que l'air ne fait qu'affiner. Le muscat parfois un peu exubérant sait ici se tenir. Floral, exotique, il est bien tempéré par un beau chardonnay que la fraicheur si particulière du climat du domaine sait magnifier. Ajoutez une pointe de sucres résiduels et vous obtenez un vin d'une rare efficacité. Un vin que j'ai apprécié sur l'instant, le genre de faiblesse affriolante, jamais vulgaire, que l'on aime à avoir sous la main...

Le téléphone sonne. Vincent décroche et dans un mandarin d'école, s'empresse de répondre à sa fille... La discussion retrouve alors une fond oriental et on vient à s'apitoyer malheureusement des logiques locales où le Lafite se devrait de couler des cuves dorées de quelques jeunes nantis persuadés que l'excellence peut se jouer à 200 hl/hectare. 

Bref, un premier rouge s'avance, la cuvée Domaine 2012 : 60% syrah, 40% merlot, un peu d'élevage en barriques de 400 litres, et au final, un jus minéral, tendu, où se mêlent fruits sauvages, épices et touche réglissée. C'est mordant, juteux et ça ne cesse de gagner en pureté avec un peu d'air. Zéro intrant, un poil de soufre, qui donne ici un jus net et éclatant. Bien que jeune, c'est déjà très bon... et ça ne coûte que 12 euros. 
Luna 2012 est un jus un peu moins en place, mais comme on avait le temps de comprendre le loustic, quelques heures à l'air libre auront eu raison d'une timidité quelque peu récalcitrante. Des sols différents, un poil plus chaleureux, auront forgé un caractère bien trempé au second rouge de la gamme. Un vrai premier petit vin, vendu 8 euros, qui développe une aromatique radicalement différente. Ici, c'est la cerise et le cacao qui prédominent. Un peu moins d'allonge, mais plus de velouté... Top. 

Le rosé 2013 est dense, riche et aromatique. Il semble jouer sur deux tableaux : celui de la table et celui du verre bien frais entre potes, un côté légèrement schizophrène qui ne l'empêche pas de rester avenant. Une belle réussite.

Au final, une belle gamme, des vins équilibrés, propres, dotés d'une colonne vertébrale permettant notamment de voir venir ces deux rouges, prometteurs, exhibant fièrement leur jeunesse éclatante, charmante, mais qui se devront d'assagir encore un peu un discours bien trop anguleux. Le blanc ? J'en ferai bien mon vin de repos. Celui qui sait déverser son évidente fraîcheur gourmande au quotidien, accessible, mais non sans profondeur. Un vin dont la nudité détend un temps les discours, un vin de confidence et d'échanges légers.
 
Et puis... et puis il y a cet OVNI, cet cuvée anecdotique dont le bandage qui lui enserre les reins semble dissimuler l'expression ultime d'un domaine mis à nu par la musique. Au moment où j'écris ces lignes, c'est l'ambiance particulière de ce projet qui baigne le flot morcelé de mes mots sur le clavier me faisant face. Un projet mené conjointement par Vincent et David Lavaysse, qui capte de façon unique l'univers d'un domaine, le passant ainsi au révélateur sonore, avant qu'une carte micro SD ne vienne se loger dans le goulot de chaque bouteille pour y emprisonner ce message. Loin de l’introspection sous psychotropes, le résultat musical est plutôt sympa, original, et le vin qui accompagne la B.O. proposée s'en accommode allègrement. Un vin qui après trois heures de carafe aura tout juste commencé à livrer quelques bribes de sa partition. L'impatience aura encore une fois eu raison d'un repos à l'évidence salutaire. Mais malgré tout, le vin, derrière cette jeunesse encore fougueuse, sait se laisser apprivoiser, pour arborer malgré son mordant de façade une fraîcheur et une profondeur insoupçonnées. Sauvage et sans concession, c'est un jus au charme indéniable qui se trouve ainsi propulsé derrière le pupitre d'une orchestration encore indomptée. 76 bouteilles ont vu le jour. Heureux possesseur d'un tel flacon, soyez patients ! Vincent et ses vins peuvent se faire connaître bien différemment. Trouvez quelques bouteilles, laisser les respirer au grand air, quelles retrouvent un peu de leur quiétude originelle et profitez. Vos papilles bénéficieront d'un panorama plus que plaisant.

À Bédarieux, loin de l'agitation passée et de l'exotisme déroutant du gānbēi, Vincent propose aujourd'hui sa propre interprétation liquide d'un terroir familial qui perdure. Un discours attachant, comme son chef d'orchestre que j'ai vraiment pris plaisir à découvrir...


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http://www.pelissols.com/images/pelissols_logo_couleur2.png
Vincent Bonnal, artisan-vigneron
Domaine de Pélissols
34600 Bédarieux
tel : 06 49 95 60 94




Alternapif !

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Tel un Bernard de la Villardière de la grande époque, à la façon d'un agent infiltré aux plus sombres heures de la guerre froide, j'ai enquêté... Alors certes je n'ai pas enquêté sur les plages dénudées de Punta Cana ou dans le dédale glacial des couloirs du Kremlin. Non, j'ai pénétré le monde obscur de l'alternative pinardière, celui des arrières boutiques liquides où circulent les reflets du terroir vigneron qui nous entoure, des réserves ou des étals qui s'affranchissent allègrement de l'indigence d'une production de masse si peu vertueuse. Mais avant de vous livrer mes découvertes, je tiens à préciser que même sous la torture, je ne m’épancherai pas sur l'attirail d'investigation nécessaire à ce travail de longue haleine en vous révélant ici mes sources.

Ainsi, dès demain, va débouler en place publique une nouvelle association. Une association de commerçants du genre à prendre soin de vous et de vos sens. Une tribu qui n'a rien d'un kolkhoze ou d'un quelconque rassemblement intégriste de dealers parisiens adeptes de l'uniformisation naturiste branchouille qui sévit ici ou là. Des quatre coins de France et même de Belgique, on parle ici de se serrer les coudes pour mieux informer, mieux servir le client en mal de repères à l'heure de déboucher un flacon. Car face à l'hégémonie du 4 par 3 et du (plus vraiment) petit écran, ce ne sont pas quelques discussions échangées dans le confort restreint d'une communauté d'amateurs de pinard qui vont réellement changer la donne. Ah oui, c'est certain, parfois ça gueule, ça râle, ça tire des plans sur la comète, mais une fois l'ordinateur éteint, que reste-t-il vraiment de ces pans d'amitié, certes parfois bien réels, mais le plus souvent contingentés à la simple glouglousphère ? 
C'est pour cela qui fallait donner de la consistance à cette énergie virtuelle dispensée au quotidien sur la toile. Promouvoir les vins naturels fut alors une évidence, mais le principe de l'Association des Cavistes Alternatifs semble aller bien au-delà de ce qui pourrait passer pour la simple sauvegarde d'un certain élitisme parfois raillé. Car si on peut très bien défendre la dimension humaniste du vin, exacerbée ici ou là par ces nombreux vignerons et vigneronnes attachés à ce patrimoine indissociable de notre culture, il est aussi intéressant d'apprendre que l'union de ces quelques cavistes, peut-être un peu utopistes, pourra aussi servir de socle solide à des projets autrement plus denses. Oui, outre le respect du sans artifice, de la diversité et de l'authenticité, l'association devrait aussi être le point de convergence d'initiatives diverses visant à éduquer au vin, à partager, échanger, voire même à créer des dynamiques solidaires pour défendre l'humain dans une viticulture où les petits cherchent parfois le soutien opportun de ceux avec qui ils travaillent toute l'année. 

Alors certes, il y a derrière cette initiative l'idée qu'à plusieurs on est plus visible, plus fort. Mais au-delà d'un catalogue de cavistes au parti pris évident, c'est avant tout une entreprise humaine qui semble voir le jour derrière ce regroupement d'une vingtaine d'hommes et de femmes, qui avec leurs bouteilles, leur personnalité et leur envie, vous veulent simplement du bien. Créer ainsi un maillon un peu plus solide, entre les gens : vignerons, cavistes ou simples buveurs de vin, et prendre à bras le corps le problème du commerce de proximité, des valeurs qu'il peut véhiculer et du plaisir qu'il vous procurera encore longtemps j'espère...
Pour toutes ces raisons, j'espère que ce projet ira loin, qu'il s'ouvrira au plus grand nombre et permettra ainsi d'ajouter sa pierre à l'édifice parfois chancelant de notre culture de la vigne et du vin. Et pour le reste, les subtilités ou les annonces plus précises, je vous engage à suivre l'actu de l'Association des Cavistes Alternatifs dès demain, sur le web, ou encore mieux, au comptoir de l'un d'entre eux...

David Farge "ABISTODENAS"  

Edit : Voici la liste des cavistes adhérents pour le moment :

Philippe Vigeant - L'Oenophil - 37250 Sorigny
Stéphane Thierry - Les Millésimes - 33200 Bordeaux
Guy Mélia - La Tonnelle à vins - 35000 Rennes
Benoit Hecker - Oenosphere - 67000 St
rasbourg
François Adam - Les Vins d'auteurs - 57050 Plappeville
Camille Sarrau - La cave de Lourmel - 75015 Paris
Thierry Dubourg - L'Amitié rit - 93100 Montreuil
Olivier Thibaut - La Treille d'or - 75014 Paris
Martin Girat - Le nez en l'Air - Samoëns
Philippe Cuq - Le Lieu du vin - 75020 Paris
Laurent Levasseur - Vins de Coeur - 75016 Paris
Jerôme Billaud - Amicalement Vin - 37400 Amboise
Arnaud Maillard et Victor Roques - La Nature du Vin - 74160 St Julien en Genevois
Julien Boyer - Carnet de Vins - 56100 Lorient
Paco Mora - La Cave d'Ivry - 94200 Ivry sur Seine
Yasmine Manjra - Le Cent dix-sept - 75011 Paris
Christophe et Isabelle Ligeron - Un Midi dans les Vignes - 35000 Rennes
Sandrine Goeyvaerts et Laurent Lacroix – Vins Lacroix – 4470 Saint-Georges (Belgique)
Patrick Simon – La Cave de Bacchus – 29000 Brest
Pascal Ouvrard – L'Andécave – 49100 Angers
Michel Vandeneuker – Vinodis – 7170 Manage (Belgique)
Charlotte Isabello - Les Vins de Charlotte - 34000 Montpellier
 

Pure...

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Connaissez-vous l'histoire du marchand de sable ? Légende de nos premières années, celui qui devait venir pourrir notre pieux avec un peu de la plage voisine (sans les mégots) pour nous voir enfin dormir, n'a pas toujours réussi son coup. Pensez donc, foutre du sable sur la tronche de quelqu'un pour qu'il rejoigne les bras de Morphée. Une vaste fumisterie... Le sable, tout au plus, c'est ce parasite qui te reste au fond du maillot quand tu décides de quitter la plage, point.

Et pourtant, si toi aussi tu crois que le sable ne fait plus forcément rêver passé un certain âge, j'ai aujourd’hui de quoi te faire changer d'avis. Du moins, je le crois, surtout si tu aimes le bon vin.
De passage en terres castelpapales à l'occasion des Printemps de Châteauneuf, j'allais en effet rencontrer un de ces faiseurs de vin dont on aime à se rappeler, une fois ses canons vidés. Il est 22 heures ce samedi soir, alors que le marchand de sable a bien dû réussir à pieuter quelques marmots, au cœur de la cité des Papes, dans les murs de chez Ogier, la fête bat son plein. Du monde à voir, du monde voulant se faire voir, pas mal de pickpockets affamés autour du buffet, et surtout quelques vignerons qu'il est toujours agréable de rencontrer. En marge de cette cohue, dans la douceur printanière de cette soirée, c'est Julien Barrot, vigneron du Domaine La Barroche, qui s'avance vers nous, tout surpris que ses vins ne soient pas encore venus rejoindre la tablée centrale où s'entassaient, comme un bus de retraités approchant des toilettes à l'heure de la pause pipi, les bouteilles de ses camarades. Une tablée aux allures de mausolée, qui voyait se vider les flacons les uns après les autres, avec pour étalon de rigueur, le magnum ou le jéroboam, histoire de satisfaire une assemblée soudainement assoiffée (et peut-être un peu aussi pour se faire remarquer).

Bref, ni une ni deux, notre Robert Redford local, tel Sundance Kid (la moustache en moins), s'en va piller les cuisines en quête de quelques flacons de sa propre production. Quelques instants plus tard, le voilà de retour, un Jéroboam à la main et le sourire aux lèvres, content de pouvoir partager avec nous le fruit d'un travail qui s'avèrera exceptionnel. Outre le contenant imposant et agréable à regarder de part le design épuré de son étiquette, le vin que nous présentait ici Julien fut tout simplement une révélation. Je me savais déjà une préférence pour les vins de Châteauneuf issus des terroirs sableux de la région. Château Rayas ou même Pignan, dont le style Reynaud a définitivement charmé mes papilles un après-midi de septembre, en sont les parfaits ambassadeurs, mais quoi de plus agréable que de découvrir de nouveaux prétendants et de s'éclater encore et toujours dans cette diversité foisonnante que reste le vin.
Me voilà donc, un verre à la main, un verre de PURE 2009, grenache presque exclusif issu d'une parcelle unique de vignes centenaires au sol sablonneux quelque part à l’intersection des quartiers « Grand Pierre », « Rayas » et « Pointu ». La quintessence de mon goût pour le Châteauneuf en quelque sorte. Mais là où il y a de beaux raisins, il n'y a malheureusement pas toujours de grands vins. Il semblerait même que le vigneron ait un rôle dans cette histoire...
Ce soir là, on discute, et on boit plus qu'on ne déguste. Il y aura le salon, le lendemain, pour les questions précises et un poil plus techniques. Mais déjà, je me plais à boire, simplement. Le vin est bien évidemment encore un peu jeune, un peu serré et dense en première approche, surtout que le contenant de trois litres a préservé la jeunesse éclatante du nectar. Mais au fil des mots qui tissent la discussion, le vin prend de l'ampleur, de la finesse, de l'élégance. Le jus est pur, oui, comme l'indique  en relief sur une étiquette au blanc immaculé du plus bel effet cette inscription à valeur de sobriquet. Pur et profond, mais surtout, préservant la fraîcheur d'un fruit encore croquant des rayons d'un soleil pouvant cuire une grappe aussi rapidement qu'un hollandais sur la plage. Le vin se trouve ainsi doté d'une buvabilité à en faire pâlir une bouteille de poulsard, et surtout, arbore une palette aromatique où notes florales et minéralité peuvent pleinement s'exprimer. 
Le lendemain, de passage sur le stand, j'ai pu évidemment transformer l'essai en goûtant au reste de la gamme. Toujours cette fraîcheur, cette vivacité, évident dénominateur commun de la production du domaine qui confère à ces vins une digestibilité toujours agréable quand on a le souhait de boire parfois un peu plus d'un verre d'un même vin. Intéressant aussi de juger du dernier millésime de PURE, pour se dire qu'indéniablement il s'agit d'un grand vin, et que les impatients seraient vraiment mal inspirés de venir troubler un repos à l'évidence salutaire. Il y a tellement de bonnes choses à découvrirà boire ailleurs en attendant ! Agréablement surpris aussi par cette Fiancée dont le mordant de la syrah vous embarque immédiatement vers des latitudes plus septentrionales.

Évidemment il n'y eut pas qu'un seul coup de cœur sur ce salon. J'aurais pu vous parler du Domaine de Villeneuve où Stanislas Wallut se plait à apposer sa griffe sur de très beaux flacons. J'aurais aussi pu vous causer de Laurent Charvin et de ces Côtes du Rhône aussi appétissant que ces Châteauneuf-du-Pape. Oui, j'aurais pu vous parler de bien des belles choses, mais le plaisir de la découverte et de ces instants partagés avec Julien aura pris le pas sur mon désir d'analyse linéaire d'une journée placée sous le signe du grenache.
Et finalement, attablés autour de quelques huîtres, cochonnailles et autres fromages parfois agrémentés, prenant le temps de parler encore un peu alors que le soleil de midi nous intime une pause, nous profitons. Et de cette posture de jouisseur impénitent dont j'essaie de savourer chaque instant, je me dis que certains plaisirs méritent parfois que le marchand de sable prenne un peu de retard...

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19 AVENUE DES BOSQUETS
84230 CHÂTEAUNEUF-DU-PAPE
+33 (0) 6 62 84 95 79
+33 (0) 9 59 22 95 25
contact@domainelabarroche.com
http://www.domainelabarroche.com

L'ennui avec l'humilité, c'est qu'on ne peut pas s'en vanter...

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Qu'est-ce que le vin sinon une histoire de rencontres, d'échange et de partage ? Le vin, lubrifiant social par excellence, le vin, encre vivante ne demandant qu'à imbiber de souvenirs joyeux les pages blanches de nos mémoires... Et du vin, il en sera justement question dans ce nouveau billet dédié à une rencontre à la finalité bien plus riche qu'un simple réapprovisionnement du rayonnage gourmand de mes pensées. Une rencontre du mois de janvier, en marge de cette foultitude de salons montpelliérains agitant le monde du vin, qui aura su se laisser désirer un peu avant de venir se raconter au creux de ces quelques lignes.

En effet, à l'occasion de la dernière édition de Millésime Bio, grand messe régionale du vin plutôt propre, je me suis vu accordé la chance de festoyer un peu, entouré d'une de ces bandes de vignerons ayant véritablement le souci de son prochain.
Nous étions chez Jeff Coutelou, vigneron languedocien dont je vous ai déjà largement vanté les mérites, et surtout, la qualité des vins. Et en cette veille d'ouverture d'un des nombreux "off" de Millésime Bio, Les Affranchis pour ne pas le nommer, certains de ses amis vignerons ligériens avaient ainsi élu domicile au 7 rue de la Pompe, au cœur des ruelles étroites de Puimisson. Après un long trajet, les coffres pleins, ce repère d'un soir allait ainsi devenir un de ces temples de la bonhomie partagée.

Après moults trempages de lèvres dans un infini échantillonnage de vins et autres décoctions du domaine, tout le monde était enfin là. Et parmi les arpètes chargés de profiter d'une arrivée avancée pour goûter aux joies d'un repos réparateur, force est de constater que beaucoup auront goûté, certes, mais un brin différemment, chacun apportant sa pierre à l'édifice, à coups d'offrandes liquides dégainées sur place dans une rythmique soutenue. 

Ce soir, il fait SOIF !
Arrivés avec les derniers rayons de soleil de cette fraîche journée de janvier, Christian Venier et Marie-Julienne Gourlaouen sont ici chez leur ami. Vigneron à Madon, à quelques encablures de Blois, Christian y bichonne 8 hectares de vignes. On y parle de Cheverny et de Touraine pour les vins, mais avant tout d'un chic type que j'aurais regretté de ne pas rencontrer un jour. C'est fou comme le vin sait prendre une autre tournure quand nul ressentiment ou impression désagréable vient polluer le verre. Un gars bien à vos côtés rendra toujours meilleur le breuvage que vous dégustez. Si en plus il s'agit du vigneron lui même, et que ses vins sont vraiment bons, vous n'avez pas fini de picoler !


Bref, nous commençons à discuter entre les verres de Mas Coutelou divers et variés qui nous sont proposés par le maître des lieux. Au départ, on cause de tout sauf de vin, ne connaissant pas Christian en personne, impossible de déceler derrière une humilité et une curiosité sans faille que le "jeune homme" frisé, aux tempes quelque peu grisonnantes, est à l'origine de quelques superbes jus élaborés sur les terres de Jack Lang et de Louis XII. Et dans la décontraction d'une cave, alors que quelques truffes viennent se poser sous notre regard, les discussions s'enchaînent et nous voilà enfin en train de remonter de quelques centaines de kilomètres pour rejoindre les sols argileux de la vallée de la Loire.

Là-bas, Christian cultive ses vignes sans engrais chimique, ni insecticides ou désherbants. Il préfère travailler les sols et laisser se développer une flore indigène permettant d'exploiter et d'embouteiller une véritable expression de son terroir. Les vendanges sont manuelles et les grappes sont transportées en cagettes au confort luxueux jusqu'à la cave. 
Niveau raisin, la sélection est évidemment bicolore : sauvignon, orbois et chardonnay pour les blancs, gamay, pinot et cabernet pour les rouges. On notera aussi la présence d'un peu de pineau d'aunis pour une cuvée de rosé.
Mais revenons à notre soirée digne des tripots les plus enfumés de la prohibition... Dans cet enchevêtrement de bouteilles, Christian me tend un canon des Hauts de Madon et m'informe à mi-voix qu'il s'agit d'un assemblage de gamay et de pinot. Les éclats de rire couvrent largement la discussion, mais l'évidence de ce jus gourmand faisant des glissades aux quatre coins de mon gosier va un instant faire taire le brouhaha environnant. Que c'est bon ! Oh, ce n'est pas forcément compliqué, mais c'est d'une honnêteté telle qu'on se confesserait presque sur l'instant. Le vrai vin de copain, à moins que l'on ne parle simplement de vin vrai, comme le gars à qui j'ai serré la paluche quelques heures auparavant et qui cause depuis quelques minutes avec moi en éclusant quelques godets, comme si maintenant était toujours. De même avec Les Carteries où le pinot prend un peu plus le pas sur l'aromatique. Fringant et désaltérant, deux points essentiels que l'on oublie parfois de prendre en compte à l'heure où la soif se fait sentir...
Par la suite, la soirée deviendra vite une nuit, et nous ne comptâmes plus les ouvertures intempestives venues rincer nos papilles : entre les envolées de Moses Gad' sur fond de bulles vivaces, la sympathie toute naturelle d'Olivier Lemasson, la générosité pleine d'affection de notre hôte, et j'en passe, il ne pouvait en être autrement.

Évidemment, au petit matin, malgré le café, les voix embrumées remplacèrent les plaidoiries liquides de la veille. Et à l'heure de l'ouverture du salon, les visages étaient encore un brin marqués, n'empêche qu'il fallait goûter et faire goûter...

On passe de stands en stands, redécouvrir ceux qui ont nourri nos palais le temps d'une soirée et qui se remettent au boulot, en espérant faire vivre d'aussi bons moments que ceux passés autour de leurs vins, quelques heures auparavant. On croise des têtes connues, quelques cavistes toulousains avec qui je dégusterai justement les vins de Christian Venier. Je vous épargnerai le rébarbatif debriefing de dégustation retranscrit avec la rigueur d'un comptable que je ne suis pas, mais simplement, j'ajouterai, que la découverte des blancs m'a tout autant emballé. Des vins plus structurés que les rouges et des expressions très ouvertes des cépages locaux. Vraiment très bon... 
Mais, finalement, ce n'est pas vraiment là-dessus que j'ai envie de terminer ce billet. Car quelques semaines plus tard, c'est autour d'une bouteille offerte par Christian et Marie-Julienne, à l'heure du départ, que j'ai commencé à écrire ces quelques lignes. Quelques lignes pour partager le plaisir simple de telles rencontres. Aujourd'hui, il ne me tarde qu'une chose, comme la compote de poire que je peux engloutir par pots entiers pour me remémorer quelques souvenirs d'enfance, j'ai envie de boire à nouveau ces Carteries et autres Hauts de Madon, pour revivre ces instants d'échange qui font l'âme du vin.

Boire, partager et ainsi témoigner de cette rencontre avec un couple d'une rare gentillesse, pouvoir répéter combien j'ai apprécié ce moment et combien ces vins comme ces personnes méritent d'être connus et reconnus, car l'ennui avec l'humilité, c'est qu'on ne peut pas s'en vanter...

David Farge "ABISTODENAS"  

Les dessins utilisés dans ce billet sont d'Annie Bouthémy, illustratrice travaillant aussi au domaine.

Appel à tous les Amoureux du Vin de France

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Appel à tous les Amoureux du Vin de France*

Nous appelons à s'unir à nous tous les Amoureux du Vin qui ont dans leur cœur l'amour du Vin dont l'idéal a transformé le monde.
Nous appelons à nous rejoindre tous les Français (et les autres aussi) qui aiment le Vin, ce miracle par lequel tant d'hommes dans le monde qui se sont endormis enivrés, se sont réveillés heureux, parce que ce mot signifie pour eux une certaine idée de l'Homme, une exigence qui fait passer la culture et le plaisir avant le simple tourment de l'alcool, un « non » catégorique à toutes les formes d'uniformisation des goûts, et à tout ce qui porte atteinte à cette si riche diversité dont peuvent librement jouir les femmes et les hommes.

« Amoureux du Vin », ce n'est pas seulement le nom d'une frange d'amateurs éclairés. C'est le cri de ralliement de toutes celles et de tous ceux qui souffrent de voir le Vin reculer tous les jours et qui veulent opposer à ce recul un refus déterminé.

« Amoureux du Vin », c'est le nom de celles et de ceux qui refusent d'abandonner à d'autres le remplissage de leurs verres, et qui veulent vivre et rester debout (autant que possible), sans être assujettis à une quelconque façon de boire.

« Amoureux du Vin », c'est le nom de ceux qui préfèreront toujours la liberté à toutes les formes de dépendance, et choisiront toujours l'ouverture à l'universel, à la nature, contre l'enfermement communautariste ou industriel, le sentiment d'une destinée commune, festive et partagée à la guerre des origines et des mémoires (même si parfois elle en prend un coup).

« Amoureux du Vin », c'est ainsi que se nomment celles et ceux qui se battent pour l'éducation de la personne humaine au Vin, et pour le droit des peuples à disposer du Vin comme bon leur semble.

« Amoureux du Vin », c'est ainsi que se nomment celles et ceux pour qui un verre de Vin vaudra toujours mieux qu'un combat empreint de fanatisme ou de déraison, menaçant de fait toute forme d'épanouissement, au-delà des sempiternels clivages qui font aussi le charme du raisin.

Amoureux du Vin de tous bords, vous qui pensez que la personne humaine ne peut être laissée à la merci de n'importe quelle tyrannie, ni industrielle, ni politique, qu'elle est bien plus qu'une simple marchandise que l'on peut acheter ou vendre, bien plus que quelques unités d'alcool vierges de tout caractère, vous qui refusez de désespérer de la raison et de la conscience humaine, ce que nous avons en partage est plus grand que ce qui peut nous séparer.
Amoureux du Vin de France, vous qui pensez que la vie est plus grande avec un verre de Vin que sans, vous qui regardez le Vin comme une source de jouissance infiniment plus grande qu'il n'y parait, le premier de nos devoirs communs n'est-il pas de la conserver pour nos enfants ?
Amoureux du Vin, le Vin a besoin de chacune et de chacun d'entre vous.
Pour que demain, nos enfants puissent à leur tour profiter et s'éveiller à cette effusion de sens que symbolise le Vin en buvant des histoires humaines, levons nos verres et trinquons !

David Farge "ABISTODENAS" 

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* Ceci est un texte personnel. Toute ressemblance avec des propos tenus par des personnes existantes, parfois nerveuses, portant également des talonnettes, serait totalement fortuite.

Ode à la pomme.

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Presque trois semaines sans écrire... Cela ne m'était pas encore arrivé depuis la création du blog. Manque de souffle, peut-être ; d'inspiration, sûrement pas. L'appétit vient en mangeant dirait l'autre, celui d'écrire n'y coupant pas, je continue, je persévère et c'est certainement cet enthousiasme glouton qui me ramène un peu ici aujourd'hui.

Un retour aux affaires qui commencera par un brin de nostalgie enfantine. Moi, simple drôle de quelques années, haut comme trois pommes, épais comme un magret dont on enleva jamais la peau, j'aime aussi parfois me rappeler ces souvenirs, ces petites choses jalonnant mon quotidien de gosse. Lire et manger notamment, derrière ces deux verbes, un fatras d'anecdotes comme autant d'actes fondateurs ancrés dans ma prime jeunesse.

Le coup de cuillère était agile, il l'est toujours je vous rassure, et aimait à creuser galeries et sillons profonds au cœur de chaque assiette. Mais une de ces gourmandises qui faisait pétuler de plaisir mes papilles est sans aucun doute ce dessert, ce quatre heures de fainéant qu'il était pourtant si agréable de maltraiter. Cette galéjade gastronomique c'est la pomme au four. Avec elle, est surement nait mon amour fou pour la Reine des Reinettes, la Grise ou même la Gala et la Golden. Quand on est gamin, on fait pas le difficile, les étiquettes importent peu... 

Aujourd'hui encore, j'aime à croquer le fruit défendu, à le siroter dans la fraîcheur frisante d'une bulle de cidre, ou simplement le croiser au détour d'un verre de mauzac régional laissant la part belle à la pomme fraîche.

Mais alors que le microcosme pinardier semble se déchirer quelque peu. Alors que dans le même temps le vin continue de couler à flots dans les chaumières joviales de ce riche nuancier de bons vivants, je ne puis m'empêcher d'avoir une petite pensée pour ce noble fruit malmené depuis quelques semaines, devenu l'un des emblèmes de la contestation gustative opposant les buveurs patentés de notre village gaulois. On gueule, on déclame, on crie, on déverse son amour pour le vin, la nature ou le vin nature. L'invective est parfois rude, mais sait aussi se muer en déclaration d'amour à la Bacri, le tout, le plus souvent en place publique. Et au milieu de ce flot de paroles apte à vous faire tourner votre verre au vinaigre, v'là t'y pas que l'on retrouve ma petite pomme, dans un mélange des genres, la qualifiant tantôt de blette et méchante, tantôt de manante normande juste bonne à faire glisser une crêpe. Ainsi propulsée persona non grata de notre verre de blanc, je m'interroge et réalise soudain l'origine d'une part de ma tolérance.

Fustiger l'à peu près d'une bouteille est une chose, s'attaquer ainsi au fruit de ma jeunesse en était devenu presque trop. Heureusement, c'est dans ces moments là que le hasard arrive parfois à soulager les aigreurs soudaines provoquer par de telles diatribes. Au quotidien, vous le savez déjà peut-être, mais je gère une classe de marmots et une école. Aucun rapport me direz-vous ! C'est peut-être vrai quand on s'agite au tableau autour d'une complexe question de grammaire, ou que l'on délibère du sort de quelques gâteaux à partager équitablement, mais  parfois, les univers s'enlacent, se mêlent, et au détour d'une pause poétique, tout à coup, le plaisir succède à la surprise quand roule sur mon bureau la parfaite expression de mon affection pour la pomme. Car aujourd'hui, installée derrière sa voix fluette de midinette, c'est bien une déclaration d'amour que s'en vient me servir une de mes élèves. Et je puis vous assurer que le chant enfantin de cette porte-parole de la cause des pommes seyait particulièrement au verbe gourmand de Pablo Neruda...
Ode à la pomme

Pomme, je veux
te célébrer,
en m’emplissant
la bouche
de ton nom,
en te mangeant.

Toujours
tu es nouvelle comme rien
ni personne,
toujours
juste tombée
du Paradis :
pleine
et pure
joue émue
de l’aurore !

Qu’ils sont
malaisés,
comparés
à toi,
les fruits de la terre,
les raisins cellulaires,
les mangues
ténébreuses,
les osseuses
prunes, les figues
sous-marines :
tu es pure pommée,
pain embaumé,
fromage
de la végétation.

Quand nous mordons
dans ta ronde innocence
à nouveau
pour un instant
nous sommes
aussi des enfants nouveau-nés :
nous avons quelque chose encore
de la pomme.

Je veux
une abondance
totale, la multiplication
de ta famille, je veux
une cité,
une république,
un Mississippi de pommes,
et sur ses rives
je veux voir
toute
population
du monde
unie, réunie,
dans l’acte le plus simple de la terre :
mordre dans une pomme.


Pablo Neruda
Oui, elle m'aura bien mis du baume au cœur avec sa poésie, la petite... Sur ce, je pense que je vais m'en aller faire préchauffer mon four, évider quelques pommes saupoudrées d'un peu de sucre et un verre de loin de l'oeil à la main, profiter de ces quelques vers qui édulcoreront un peu plus le je m'en foutisme empreint de désolation qui s'est emparé de moi ces derniers temps, à la vue de ces batailles d'ego sans réelle saveur. 

David Farge "ABISTODENAS" 
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