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Cru ou Cuite ? #1 : Mathias Marquet - Château Lestignac

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L'interview qui cuisine la glouglousphère...

Bienvenue ! Bienvenue dans ce nouveau rendez-vous des curieux du goulot, lieu de rencontre légèrement alcoolisé des vignerons, personnalités ou agitateurs de la glouglousphère. Vous avez toujours voulu savoir si votre vigneron préféré était plutôt slip ou caleçon, si les sulfites étaient vraiment aussi méchants dans la vraie vie qu'on peut le dire, cette rubrique est pour vous ! Je ne vous promets pas le bagou d'un Jimmy Fallon survolté sur son plateau du Saturday Night Live, ni le strass et les paillettes des plus belles heures de Sacrée Soirée, mais plutôt un moment d'échange décontracté, comme à la maison, histoire de rendre jaloux un Laurent Boyer nostalgique de ses années Fréquenstar.

Et pour débuter cette nouvelle rubrique du blog, nous avons l'honneur d'accueillir Mathias Marquet. Depuis quelques années maintenant, sa femme Camille et lui sont aux commandes du Château Lestignacà Bergerac. Vignerons ne se revendiquant pas "nature" mais qui estiment simplement travailler proprement, on les croise aussi parfois sur la toile où leurs prises de positions et leur réflexion sur ce métier de vigneron permettent d'animer et d'enrichir les débats qui nourrissent le web pinardier.

Merci à eux et bonne lecture !

1-  Bonjour et merci à toi de bien vouloir inaugurer ce nouveau rendez-vous du blog. Commençons si tu le veux bien par les présentations...
Je suis Mathias Marquet, j’ai 32 ans et j’essaie d’être vigneron à Bergerac. Nous sommes avec Camille installés depuis 2008 sur les jolis terroirs blancs de Sigoulès, avec douze hectares de vignes à cultiver, à vinifier, et accessoirement à vendre. On produit entre 30 000 et 40 000 bouteilles de vin selon les millésimes, moitié blanc, moitié rouge. On travaille nos vignes de façon naturelle, et on essaie de faire parler nos argiles brunes, bleues et nos calcaires avec des vins sincères et pleins d’expression. Mais j’imagine que tu n’es pas venu là pour que je te récite notre dépliant sur papier glacé...

2- Actuellement, niveau boulot, c'est plutôt parasol et Ti punch ou ampoules et auréoles sous les bras ?
Niveau  boulot, c’est plutôt auréoles au ti punch, puisqu’on est en plein dans les décuvages, et la sueur sent bien l’alcool. Décuver, pour ceux qui n’ont pas choisi de lire ces lignes, c’est séparer le marc de raisin du jus dans lequel il fermente, et d’envoyer le marc au pressoir. Chez nous pas de cuve dans lesquelles rentrer, au péril de sa vie, pour la beauté du geste. On vinifie quasiment tout en barriques ouvertes, donc on décuve au pichet. C’est moins fatigant et on est pas emmerdés par les vapeurs d’alcool. C’est une année clairement très relou à vinifier, en rouge notamment, de celles qui ne nous plaisent pas forcément. D’une part parce que les vins sont d’une densité d’un yaourt pour quelques uns, et d’autre part parce que ce sont des vins plutôt sur la richesse, avec des levures qui peinent à bouffer tous les sucres. On s’embête à maintenir les températures au chaud pour pas que les fermentations s'arrêtent, et on se fait peur avec des fins de fermentations languissantes qui ont plus facilement tendance à partir en quenelle. C’est dans ces millésimes que tu comprends qu’est ce qui pousse des mecs à mettre un tas de saloperies dans leurs vins. C’est quand même bien plus facile, et ça peut même être meilleur si toi tu te rates. C’est là toute la difficulté de faire des vins naturels. Ça c’est le côté chai.
Côté vigne, on chausse, on travaille les sols, on passe nos thés de composts sur les sols, on va recommencer à sortir nos chevaux pour les travaux d’automne. On va essayer de mettre du fumier aussi, histoire de faire un peu plus de jus l’année prochaine, parce que ça fait 3 ans qu’on est un peu, voire très court, niveau rendement. Et puis on rattrape une plante de cette année aussi, dans laquelle on a rien fait, qui s’est fait complètement bouffée par l’herbe, d’ailleurs on cherche les pieds. Ça m’énerve du coup on se venge sur les raves à coup de pioches. C’est typiquement le genre de plantation, lorsque je les vois au bord de la route, je me dis: regarde moi ce branleur… Mais bon, cet été, on a fait des dalles béton devant le chai, pour pouvoir mieux bosser, ça nous a pris pas mal de temps, et puis on a pas pu faire ce qu’on voulait. Bref, on s’est raté. J’espère que la plante se rattrapera l’année prochaine.
Voilà, un peu de quoi se faire de jolis auréoles.

3- Sinon, à part mascotte d'un club de foot ou lanceur de javelot, si tu n'étais pas vigneron, tu ferais quoi aujourd'hui ?
Je serais surement musicien raté dans un J9, à penser que le monde est pourri et que personne ne comprend rien à ma musique.

4- Une fois la semaine de boulot terminée, tu serais plutôt costard et grand cru ou débardeur et cuite ?
Bon, déjà, on attend pas la fin de semaine pour déboucher. Ensuite on boit de tout. On a pu boire quelques rares domaines de légende, on a rarement été déçus. Et on boit aussi du vin qui coule tout seul. On aime bien se mettre classe de temps en temps, parce qu’on est crado toute la semaine. Mais on aime bien se mettre un petit barbeuc aussi, tongs et rosé .
On a bu trois belles bouteilles dernièrement:
- Louise 2011 du château Barouillet, une grosse claque qui fait bien plaisir, comme quoi on peut faire des vins bien plus grands ici qu’un peu plus à l’ouest.
- Chant 2014 du domaine Coquelicot, du pur fruit, un petit bijou glouglou, y’a pas que le gamay qui désaltère, le merlot est là aussi.
- Cabaret 2012 de Mathieu le Saux, vigneron suisse récemment installé en Bretagne, LE vin que j’avais pas bu depuis très longtemps, le vin ou il y a tout: à boire, à désaltérer, et qui transporte, avec beaucoup d’émotion, de la vibration!
- Le Madiran d’Imanol Garay 2011, un truc sanguin, électrique, tendu , magnifique.


Et moi j'ai beaucoup aimé ce merlot de Lestignac...


5- Dieu créa la femme. Et toi ? Plutôt créa' ou plutôt flemme ?
On a pour projet de continuer à planter de vieux cépages, et des cépages pour se faire plaisir, de la petite arvine notamment, du pinot meunier, du gamay. On voudrait aussi planter des poiriers pour un jour pouvoir boire notre poiré, et puis des noisettes pour faire de l’huile, et des châtaigniers, pour faire nos cochons dessous.



6- Le truc le plus naze dans ton boulot : ne pas avoir besoin de te déguiser quand tu pulvérises quelque chose sur tes vignes ou ne pas pouvoir faire le malin à bord d'une machine à vendanger sous les fenêtres  des voisins ?
Je te rappelle que même quand on passe du cuivre et du soufre, il faut se protéger, donc combinaison et masque  comme si on passait du poison :) Non, le truc le plus naze dans notre boulot pour moi c’est de tirer les bois. Je déteste ça, et d’ailleurs j’avoue que je ne le fais plus trop, un tout petit peu, mais le moins possible. Sinon c’est un boulot dont toutes les taches sont nazes... dès lors que tu les fais de manière répétitive pendant deux semaines, tout devient naze. Mais c’est aussi les joies de ce métier, c’est qu’à ton compte tu ne fais que rarement la même chose comme un robot pendant deux semaines, il y a toujours des coupures.

7- Il te reste une paire d'heures pour boire un coup et te passer un disque, prendre un bouquin ou mater un film, si on met de côté tes vinyles de Dorothée et ta collection complète du Club des cinq, tu choisis quoi ?
Je prend le dernier livre de Nossiter “Insurrection Culturelle”, parce que je l’ai pas encore lu et qu’il parait qu’il parle de nous dedans. Et je m’ouvre un petit canon ! Bon ça c’est pour faire de la promo et l’intello, parce que le soir, pour être honnête, j’ai la deuxième ligne qui est dure à passer. Quand à la troisième, lu pour la huitième fois, elle tient lieu de somnifère. J’aime bien regarder le zapping, vu qu’on a pas la télé, mais je m’endors devant. Voilà, ma vie culturelle est très chargée comme tu peux le remarquer. Non, je lis le matin en fait, au petit dej : XXI, 180 °c, et la revue dessinée.

8 - Dernière question, tu as le choix entre te taper le programme politique de Nadine Morano ou nous livrer ton ressenti sur le vin de demain. Tu choisis quoi ?
Je pense que le vin de demain sera plus jeune que celui d’aujourd’hui...

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Merci à Mathias Marquet pour cet entretien et à bientôt pour un nouvel épisode de "Cru ou Cuite ? L'interview qui cuisine la glouglousphère" !


  

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