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Channel: Le blog d'Abistodenas
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Menu enfant.

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Que cherche-t-on quand on va au restaurant ? Vaste question qui mérite peut-être plus qu'une simple réponse approximative de ma part tant la finalité d'un repas dépendra de ce que chacun veut bien y trouver. Malgré tout, depuis le temps que je pose aléatoirement mes fesses de restaurant en restaurant, j'ai eu l'occasion de laisser murir quelques idées personnelles, notamment en ce qui concerne l'élite supposée de la cuisine. Oh, en aucun cas un amoncellement de préjugés péremptoires, non, de simples réflexions sur ce que se doit simplement d'être, à mon humble avis, un bon gueuleton au restaurant. En effet, étoilée ou pas, il est des manières, des visions de la restauration qui m'indisposent vraiment. Et si je viens au restaurant pour passer un bon moment, je m'y installe avant tout pour manger. Évidence me direz-vous ! Non, question de priorité. 

Plaisir et appétit, deviennent ainsi deux indispensables, deux indissociables, parfois relégués au second plan des priorités en cuisine. L’hégémonie du beau, du paraître, ne doit en effet aucunement écarter la notion de bon, de goûteux. Et ce n'est pas la suffisance d'un chef peignant ses assiettes plus qu'il ne les remplit qui permettra de sustenter une clientèle en attente de salivation. Le cuisinier se voudrait passeur d'émotions, mais qu'en est-il de ces spectacles culinaires ego-centrés, de ces "expériences uniques" inhibitrices du plaisir vrai, ou de ces services aussi intrusifs qu'inutiles orchestrés par ces colonies de pingouins trop apprêtés ? Un poisson-clown ne sera jamais plus appétissant qu'un Saint-Pierre...
Avis personnel s'il en est, j'ai toujours pensé que les cuisiniers étaient des personnes comme les autres et que le chichi-pompon baignant nombre de belles salles n'était que le fait d'une partie de la clientèle nécessiteuse de ressentir l'éclat de son rang social. Ainsi, à l'heure de pousser de la porte de n'importe quel établissement, j'aime à percevoir ce brin de simplicité assouplissant les attitudes et recadrant l'attention sur l'assiette.
Et ce pragmatisme dévolu au simple manger ne transparaitra jamais autant qu'au travers du regard d'un enfant. Un mioche, lui qui n'en aura rien à secouer qu'on lui tricote une fleur exotique avec sa serviette, qui empilera vite fait bien fait les repose-couteaux pour s'en faire des tourelles de guet, qui posera son derrière à hauteur de tablée en déclamant, sans retenue, un sincère : « Qu'est-ce qu'on mange ?». Car, oui, à la cantine, à 13H00, ça fait déjà un bail que les accus sont rechargés.

Ainsi, ce mercredi, nous décidâmes de jouer du couteau et de la fourchette en présence de la descendance. Rendez-vous était donc pris à quelques encablures de la maison, chez Franck Renimel, au restaurant En Marge. Restaurant étoilé depuis quelques temps déjà, ce n'est pas parce que le Bibendum, cerbère d'un certain garde-manger doré, lui accorde certaines faveurs que nous nous y sommes attablés avec grand plaisir ce jour là. 
Certes nous y avons très bien déjeuner, profitant de la formule de midi et de ces composantes du quotidien fort bien accommodées : une moule/frites gouteuse en guise d'entrée, un cassoulet "En Marge" qui n'oublie pas les saveurs du Lauragais en se dévoilant sans balourdise, et enfin, un entremet orange et tilleul frais et glissant. On pourrait toujours railler le double intitulé façon Top Chef (la revisite est à la mode), n'empêche que c'était franchement bon. Mais ce qui me fait dire que nous y reviendrons bientôt, c'est bien autre autre chose. Là où certains rechignent à voir débarquer dans leur resto une clientèle qui leur est pourtant promise un jour, Franck Renimel aura pris soin, le plus naturellement du monde, de notre petit, seul marmot attablé dans la grande salle ce midi-là. 
En effet, à l'invitation de l'équipe, alors que nous demandions si un menu enfant était proposé, voilà le gamin qui se lève de table... Du haut de ses cinq ans, fier comme Artaban, il part en cuisine se faire son menu.
(Retranscription du dialogue)
Franck Renimel : Salut mon grand. Alors, tu veux manger quoi ?
Jules : ... (oui, à 5 ans on parle pas aux inconnus, du moins pas avant qu'il ne vous donne à manger)
Franck Renimel : Tu aimes les œufs ?
Jules : Oui.
Franck Renimel : Bon, on va te faire un œuf magique, avec une crème de haricots blancs. Tu aimes les haricots ?
Jules : Oui. (Bon, mon fils aime à peu près tout.)
Franck Renimel : Et en plat, tu veux du poisson ou de la viande ?
Jules : De la viande.
Franck Renimel : Tu préfères du bœuf ou du porc ?
Jules : Du bœuf.
Franck Renimel : Avec des petits légumes et des frites spéciales, ok ?
Jules : C'est très bien.
Franck Renimel : Et pour ton dessert ? Chocolat ou fruits ?
Jules : Euh... Des fruits !
Franck Renimel : Ok, on va voir avec le chef pâtissier ce qu'il peut te faire.
Chef pâtissier : Je peux faire un vacherin, chef !
Franck Renimel : C'est une sorte de yaourt glacé à la chantilly, avec de la meringue et de la chantilly.
Jules : J'adore la chantilly.
Franck Renimel : Bon, ben on te prépare tout ça, et bon appétit.
Bon, ok, je vous l'accorde, mon fiston n'est pas des plus difficiles à contenter. Mais prendre le temps d'accueillir un gosse dans sa cuisine, et l'aider à partager ses goûts, à composer son menu, c'est l'assurance d'un appétit décuplé une fois le repas lancé. Une attention sincère qui pose, en plus, un semblant de réponse pertinent à la difficile question de l'éducation au goût chez les enfants. Plutôt que de balancer un menu à la con, solution de facilitéet d'espérer que la prochaine tablée ne verra se pointer une marmaille inconvenante, rendre les enfants acteurs de leur déjeuner semble une évidence. C'est pourquoi je ne peux que saluer cette initiative.
 

Et comme le disait l'autre : Un repas sans vin, c'est comme un tagagada sans tsoin-tsoin. Ajoutons donc à cela une sélection de vins qualitative et raisonnable en termes de prix et la boucle est bouclée. Oui, car il ne faut pas s'en cacher, manger dans un restaurant tel que celui-ci à un coût. Il peut être justifié, n'empêche que tout le monde ne peut pas passer son gueuleton étoilé en note de frais... Alors, quand on voit plus d'une vingtaine de références à moins de 30 balles la bouteille, on se dit que le repas à toutes les raisons de bien se passer. Nous avons donc jeté notre dévolu sur un Mâcon Village tout en fraîcheur de Julien Guillot, avant de poursuivre avec un très élégant et séveux Crozes de David Reynaud. Deux vignerons attachés à leur terroir et à l'élaboration la plus naturelle possible de leurs vins. Un régal pour les papilles venant donc clôturer un très bon moment, où tout le monde aura été considéré à juste titre. 

Vous me direz peut-être que c'est la moindre des choses... Vous me permettrez tout de même d'en douter.



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