Quantcast
Channel: Le blog d'Abistodenas
Viewing all articles
Browse latest Browse all 88

Gommettes, conserves ou terroir ?

$
0
0
Avant-hier, je me suis payé une bonne tranche... Grâce à qui ? À Marisol Touraine, ministre en charge de la Santé et de quelques autres portefeuilles périphériques. Reconvertie en diététicienne de la rue Duquesne, v'là t'y pas qu'en plein hiver, alors que les marmites permettent de faire le plein de confiance avant d'affronter les frimas de la rue, madame la ministre s'en va battre le pavé, une cassole à la main, pour enfin tordre le cou aux idées reçues.
   

Malgré les calories, il y a des lectures plus digestes que d'autres...

Oui, car il faut tout de même recontextualiser le propos de Mme Touraine. Ici, malheureusement, on ne parle pas de bons produits, de cocottes fumantes, de pieds de porc fendus libérant leur subtilité au creux d'un bouillon... On ne cause pas non plus d'un bar à la chair translucide, raide comme une trique, ou d'un filet de saule se lovant dans un beurre chantant. Non, évidemment...
L'information dont se félicite notre ministre, c'est cette nouvelle infantilisation dénuée de toute forme d'éducation qui va prochainement prendre place dans les rayonnages. Un étiquetage nutritionnel, sous forme de pastilles de couleurs, permettant à tout un chacun de savoir s'il bouffe de la merde ou s'il aura des abdos en béton en s'enfilant ses raviolis préférés. Je n'irai malheureusement pas plus loin dans l'analyse tant le vide qualitatif qui hante cette nouvelle mesurette du manger/bouger et autres injonctions moralistes s'affranchissant allègrement de toute once de bon goût m'exaspère. Exit le terroir, le goût, la notion de producteur, d'artisan et consort... Ici, on est à des années lumières de toute forme d'élévation, même minime, vers le plaisir de manger, que dis-je, vers cette source inépuisable de culture que peut-être la gastronomie. Non, on reste au ras des pâquerettes, en témoigne cet enthousiasme désarmant relevé sur le site de Que Choisir, organe de protection des consommateurs, dénomination seyante, tant les préoccupations de l'association relèvent d'un pragmatisme d'acheteur simplet dénué de toute analyse autre que celle du porte monnaie et de quelques menues recommandations de premier ordre.
Alors que les recommandations officielles de ne pas manger trop gras, trop salé ou trop sucré sont en réalité souvent complexes à mettre en œuvre, elles deviennent enfin à portée de main grâce à cet étiquetage qui, à rebours des idées reçues, décerne des pastilles vertes à de nombreux plats préparés tels que le ‘Cassoulet mitonné’ de ‘Williams Saurin’ ou le  ‘Petit salé aux lentilles’ de ‘Fleury Michon’. A l’inverse, on pourra limiter les occasions de consommation de la barre céréalière ‘Frosties’ écopant du rouge, comme le ‘Brownie chocolat pépites’ de ‘Brossard’ pour préférer par exemple les ‘Muffins recette anglaise’ de chez ‘Carrefour’ qui, même avec de la confiture, arborent un macaron jaune tout à fait recommandable dans le cadre d’une consommation quotidienne.

Pendant que je tentais désespérément de ne pas m'étouffer avec une couenne restée bien en travers de la gorge du fait de ces immondices, mes yeux continuaient de balayer péniblement ce satisfecit décerné sans scrupule au gouvernement. On cause gras, sel, sucre, avec la précision d'un horloger suisse. Discours censé rassurer le consommateur, mais tellement loin des réalités nutritives du bien manger. Manger, ce n'est pas se remplir avec la rigueur cartésienne d'un mathématicien fou. Tant de pans indispensables sont ainsi ignorés ! Je ne vous en ferai pas la liste, mais quid de la qualité des produits, de leur provenance, des listes d'ingrédients à rallonges puisant leur inspiration dans les manuels de petit chimiste de l'industrie agro-alimentaire... Bref, un énième attrape couillon.

Alors, pour finir par une note positive, je préfère vous parler d'un bouquin, d'une BD plus particulièrement. Ici, point de gommettes aux couleurs chatoyantes échappées d'une salle de classe de maternelle, non simplement le trait juste du beau et du bon. Les pérégrinations caloriques d'un Yves Camdeborde sillonnant notre pays, creusant votre estomac à chaque page tournée, emporté par le charme du vrai, le charme de quelques personnages passionnés par le terroir que révèlent leurs produits. Des canons des Lapierre, au beurre de Jean-Yves Bordier, du rouge de quelques homards brûlants à celui d'une belle côte de bœuf maturée, du tranchant lumineux d'un couteau traversant les générations à la noble noirceur d'une truffe juste sortie de terre, c'est une palette de vraies couleurs qui vient balayer nos papilles. Loin d'un étiquetage coincé sur quelques centimètres d'emballage, ces couleurs sont le vrai visage de la nourriture qui devrait remplir chaque cabas. 

Alors, n'hésitez plus, plongez un temps dans cet ouvrage qui sustentera sans retenue votre idée de la gourmandise, à moins que l'appel du ventre ne vous pousse à reprendre le chemin des casseroles, car il est sûrement bientôt l'heure de manger... pour de vrai.
Oui, vraiment, il y a des lectures plus digestes que d'autres.




Viewing all articles
Browse latest Browse all 88

Trending Articles